Le blog des éditions Libertalia

Les Vivants et Les Morts, le film !

vendredi 1er octobre 2010 :: Permalien

Il y a quelques années, on s’était enthousiasmé pour le diptyque de Gérard Mordillat sur la condition ouvrière. C’était avant qu’on ne croise les Conti sur les routes. Mordillat a adapté son grand roman prolétarien et ça passe à partir de mercredi 6 octobre sur France 2 : à ne rater sous aucun prétexte ! Pour vous donner envie d’aller puiser dans cette œuvre, voici une recension parue dans Barricata 18.

Les Vivants et les Morts. Notre part des ténèbres.
Gérard Mordillat. Calmann-Levy/ Le Livre de poche.

« Rudi court les yeux brûlants. Il court avec les morts. Ceux dont Maurice, son père adoptif, a peuplé son adolescence. Il fallait qu’il sache, qu’il n’oublie jamais : ni les communards de la Semaine sanglante, ni les fusillés pour l’exemple de 17, les mutins de la mer Noire, les grévistes de 36, les volontaires de la guerre d’Espagne, les FTP-MOI, Manouchian et les autres qui réclament justice depuis l’origine du monde. Ils sont là, dans ses mains, dans ses jambes, dans le bruit de ses semelles sur le bitume, l’encourageant de leurs voix inaudibles : “El pueblo unido, jamás será vencido !” »

La Kos, une usine de fibre plastique, ferme. Rudi, Lorquin, Hachemi, Dallas, Varda et les autres ne veulent pas se laisser faire. Ils refusent de courber l’échine, de voir leur vie détruite du jour au lendemain. Alors ils vont lutter, faire grève, occuper l’usine. Ils veulent montrer qu’ils sont là, bien vivants, déterminés jusqu’à leur dernier souffle. Style incisif, écriture nerveuse, concise, parfois orale et très crue, chapitres très courts, Mordillat nous réconcilie avec la lecture des pavés de plus 800 pages. Les Vivants et les Morts se lit presque d’une traite. Et fait l’effet d’un coup de poing reçu en pleine figure. Même écriture et même début dans Notre part des ténèbres. Là aussi, tout part de la fermeture d’une boîte, Mondial Laser, une entreprise de pointe vendue à l’Inde par un fonds spéculatif américain. Le soir du 31 décembre, les actionnaires du fonds et quelques stars fêtent une année de bénéfices records à bord d’un paquebot de luxe, le Nausicaa. Ambiance champagne, caviar et cocktails. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que parmi le personnel de bord, la sécurité, l’orchestre, les invités se cachent des salariés de Mondial Laser, et qu’ils ont pris le contrôle du navire… La lutte des classes, l’autogestion et l’action directe en roman, c’est rare. Dans les deux ouvrages, Mordillat montre les mécanismes économiques, sociaux et politiques qui poussent des salariés à faire grève et à risquer leur vie pour leur dignité. Pas de leçons théoriques, pas de longues digressions, Mordillat, c’est du vécu, du brut. Une littérature véritablement engagée comme on aimerait en voir plus souvent par ces temps de casse des droits syndicaux, de répression à tout-va et de criminalisation du mouvement social. « Aujourd’hui, les enfants naissent la peur au ventre et grandissent tremblants et résignés. Ce monde d’oubli des luttes, ce monde d’asservissement et d’acceptation, ne sera jamais le mien. Personne ne me fera croire qu’il est le seul monde possible, que l’histoire est terminée, que le marché scelle le stade ultime de l’organisation humaine. Peut-être suffit-il de dix hommes décidés sur un navire de croisière pour que la peur change de camp ? »

Nil