Le blog des éditions Libertalia

On les appelait les « Enragés »

vendredi 20 mars 2009 :: Permalien

Claude Guillon vient de publier Notre patience est à bout, une anthologie commentée d’écrits des Enragés. Ceux qu’on appelait ainsi ont incarné la frange la plus radicale de la Révolution française en 1792-1793. Présents à Paris et à Lyon, dans les sociétés populaires, les clubs et les émeutes, ils ont développé nombre d’idées et de pratiques qui nourrissent encore nos luttes : démocratie directe, droit de tous aux produits de base, rejet des spéculateurs et des agioteurs, pleine citoyenneté des femmes, etc. Ce qui est surprenant dans ces textes d’une brûlante actualité, c’est également la critique qui était formulée à leur encontre : « anarchie », « irresponsabilité », l’éternel discours des nantis. Exemple. En novembre 1792, Brissot, le chef de file des Girondins écrit : «  Je veux aujourd’hui l’ordre contre les anarchistes parce qu’il n’y a plus de roi. J’ai marché au républicanisme pour avoir l’ordre ; je veux l’ordre pour conserver le républicanisme. » Minorés par l’historiographie marxiste (Mathiez, Soboul), rejetés par les libéraux, il fallut attendre les travaux de Maurice Dommanget, Daniel Guérin et enfin Claude Guillon pour rendre justice aux Enragés Jacques Roux, Varlet ou Pauline Léon.

Extraits choisis du Manifeste des Enragés.

« La liberté n’est qu’un vain fantôme quand une classe d’hommes peut affamer l’autre impunément. L’égalité n’est qu’un vain fantôme quand le riche par le monopole exerce le droit de vie et de mort sur son semblable. La république n’est qu’un vain fantôme quand la contre-révolution s’opère, de jour en jour, par le prix des denrées, auquel les trois quarts des citoyens ne peuvent atteindre sans verser des larmes. »

« Députés de la Montagne, que n’êtes-vous montés depuis le troisième jusqu’au neuvième étage des maisons de cette ville révolutionnaire, vous auriez été attendris par les larmes et les gémissements d’un peuple immense sans pain et sans vêtements, réduit à cet état de détresse et de malheur par l’agiotage et les accaparements, parce que les lois ont été cruelles à l’égard du pauvre, parce qu’elles n’ont été faites que par les riches et pour les riches. »

Notre patience est à bout. 1792-1793, les écrits des Enragés est publié aux Éditions Imho (lien), dans la collection Radicaux libres.