Le blog des éditions Libertalia

Paris, 18 mai : Rencontre avec Grégoire Chamayou

lundi 16 mai 2011 :: Permalien

Mercredi 18 mai, à 19h, la CNT (33 rue des Vignoles, Paris XX) accueille Grégoire Chamayou, philosophe et éditeur. Si vous n’êtes pas loin, passez débattre avec lui. À défaut, on peut se rabattre tout de suite sur les deux ouvrages parus en 2008 et 2010.

Les chasses à l’homme
Histoire et philosophie du pouvoir cynégétique

Grégoire Chamayou
La Fabrique, 240 pages, 2010, 14 €.

L’histoire et la philosophie des chasses à l’homme dévoilent une face sombre de la domination : les lieux et les moments où le pouvoir se constitue comme traque et prédation. Grégoire Chamayou retrace l’évolution des techniques de capture, des pratiques et des idées qui ont caractérisé depuis l’Antiquité la férocité des dominants. Des chasses d’appropriation aux chasses d’exclusion, des marges vers l’État, une forme de pouvoir s’est développée en traquant les Indiens, les Noirs, les pauvres, les étrangers, les Juifs, les illégaux… C’est un livre contondant, un outil redoutable et très habile qui explore les ressorts racistes, capitalistes et autoritaires du développement du pouvoir de chasser l’humain et s’interroge sur les conditions de l’insoumission et de la rupture : «  Si la chasse à l’homme remonte à la nuit des temps, c’est avec l’expansion du capitalisme qu’elle s’étend et se rationalise. […] Mais la relation de chasse n’est jamais à l’abri d’un retournement de la situation, où les proies se rassemblent et se font chasseur à leur tour. »

Les Corps vils
Expérimenter sur les êtres humains aux XVIIIe et XIXe siècles

Grégoire Chamayou.
La Découverte, 420 pages, 2008, 24,50 €.

Les « corps vils », ce sont ceux des bagnards, des fous, des orphelins, des prostituées, des condamnés à mort, des esclaves et des colonisés. En quelque 400 pages, le philosophe Grégoire Chamayou – par ailleurs animateur de la collection « Zones » aux éditions La Découverte – renouvelle l’épistémologie des sciences et pose la première pierre d’une philosophie politique de la pratique scientifique. Il démontre qu’entre 1720 et 1905, les progrès de la science se sont opérés au détriment de certaines catégories de la population perçues comme de « moindre valeur ». Citant Walter Benjamin : « Il n’est aucun document de culture qui ne soit aussi un document de barbarie », il dévoile la face sombre et cynique de l’expérimentation scientifique. Pour les dissections, les savants se disputaient les cadavres des condamnés, allant jusqu’à les faire déterrer. Ces cadavres avaient pour vertu leur disponibilité (pas de famille avec qui composer) et leur santé (les sujets étaient souvent jeunes et sains). En 1721, outre-Atlantique, le docteur Boylston inocula la petite vérole à ses esclaves. En 1768, en Jamaïque, un colon fit une expérience avec 3 000 esclaves ! Le pouvoir d’expérimenter relevait alors du droit du maître. Plus tard, il relèvera du droit du souverain. En 1884, Arning inocule la lèpre à un condamné à mort hawaïen. L’année suivante, Pasteur demande à l’empereur du Brésil l’autorisation d’expérimenter sur des condamnés à mort ses expériences sur la rage. Tout ceci pose la question de l’absence ou quasi-absence du consentement du cobaye dans les discours déontologiques du xixe siècle et du statut du dominé, du condamné, du « racisé ». Un travail lumineux.