Le blog des éditions Libertalia

Tortuga

mardi 12 juin 2012 :: Permalien

Tortuga.
Valerio Evangelisti.
Éditions Rivages, 2011, 24,50 €.

Pas facile de passer après d’aussi illustres prédécesseurs que Daniel Defoe ou Robert Louis Stevenson. Pourtant, Valerio Evangelisti, auteur des excellents romans Anthracite et Nous ne sommes rien, soyons tout relève le défi de la geste piratesque et s’essaie au récit d’aventures. Ce nouveau (et long) roman affiche un titre évocateur : Tortuga. L’île de la Tortue était en effet l’un des plus célèbres bastions des « Frères de la Côte », dans les Caraïbes. Disons d’emblée que le résultat est décevant : Evangelisti multiplie les tableaux et les intrigues au point de perdre le lecteur. L’auteur évoque la fin du XVIIe siècle, l’âge où les corsaires cessent d’œuvrer pour les rois (Louis XIV dans le cas présent) et basculent, pour certains, dans la piraterie. Si la description du féroce capitaine Grammont ou l’amour éperdu du jésuite Rogério de Campos pour une (trop) belle esclave nous tiennent quelque peu en haleine, la tentation est grande de sauter des pages. Au titre des passages les plus imagés et convaincants, on retiendra néanmoins le pittoresque épisode de l’attaque de Campeche par la flotte flibustière. Il est néanmoins surprenant de constater qu’Evangelisti adopte un point de vue sur la piraterie qui se rapproche de la vision des puissants : des bandits cruels et sans éthique.

« Ces combattants des mers rêvaient à la guerre et vivaient pour célébrer la mort, que ce fût la leur ou celle d’autrui. Comme des déments, excités par la perspective du sang qu’ils verraient bientôt couler à flots, ils lançaient des bordées d’injures à leurs ennemis, indifférents au fait que quelques mois auparavant, ces mêmes gens avaient été leurs alliés et protecteurs. Il s’agissait à présent de tuer et de piller : il n’existait pas d’autres idéaux, pas d’autres plaisirs plus sublimes que ceux-ci. Au milieu du chaos, seuls les boucaniers et les Arawaks conservaient un semblant de lucidité. Les premiers déroulèrent les mèches de leurs fusils déjà calés sur le bastingage du navire. Les seconds préparèrent leurs flèches empoisonnées et bandèrent leurs arcs. »