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Avec tous tes frères étrangers dans L’Humanité

mardi 27 février 2024 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié le 21 février 2024, dans L’Humanité.

Quand Jean Vigreux et Dimitri Manessis rendent hommage aux internationalistes morts pour la France

Les historiens Jean Vigreux et Dimitri Manessis montrent comment les résistants étrangers FTP-MOI inscrivent leur combat dans le creuset communiste du mouvement ouvrier de notre pays.

À l’heure où sont honorés les résistants communistes FTP-MOI, avec la panthéonisation de Missak et de Mélinée Manouchian, l’ouvrage, Avec tous tes frères étrangers. De la MOE aux FTP-MOI, coécrit par les historiens Dimitri Manessis et Jean Vigreux arrive à point nommé.
Fruit du travail historiographique le plus en pointe, il permet de comprendre comment s’est constitué en actes le refus, jusqu’au sacrifice de sa vie, de l’Occupation hitlérienne en France par des combattants étrangers provenant de toute l’Europe pour fuir les persécutions contre les juifs, contre les arméniens et les répressions politiques. Où ces femmes et ces hommes ont-ils puisé cette force et cette détermination ? Comment sont-ils parvenus à frapper parfois durement l’armée allemande, les institutions nazies et leurs supplétifs, dans un contexte où l’occupant contrôlait tout grâce à sa puissance militaire mais aussi grâce à la collaboration pétainiste et à sa terrible efficacité, notamment en matière de renseignement avec ses tristement célèbres « brigades spéciales ».
L’explication réside dans trois lettres : la MOI, pour Main-d’œuvre immigrée. Ces femmes et ces hommes ont pu monter leurs opérations (tractages, affichages, sabotages, exécutions, déraillements, attaques à la grenade, etc.) car ils appartenaient aux groupes les plus engagés de la MOI. C’est une « organisation spéciale » créée par le Parti communiste, interdit, qui structure les FTP-MOI. Pourtant, l’existence de la MOI ne remonte pas à l’Occupation, ni même au combat antifasciste des années 1930. Elle est d’abord l’héritière de la Main-d’œuvre étrangère (MOE). Et c’est en mai 1923 qu’elle apparaît du côté syndical. La toute jeune Confédération générale du travail unitaire (CGTU) donne en effet naissance à la MOE répondant ainsi à l’invitation de l’Internationale communiste. Le but est de favoriser la solidarité internationale de classe des travailleurs et de permettre leur action dans chaque pays d’accueil, toujours sous l’autorité des structures nationales.

En 1932, la MOE devient la MOI

Dans la foulée, dès 1924, des « groupes de langue » sur le plan politique sont mis sur pied au sein du Parti, alors Section française de l’Internationale communiste (Sfic). Affiliés aux cellules de base, les communistes immigrés s’organisent selon leur origine et vont même développer une presse spécifique. L’objectif reste l’intégration à la vie politique et syndicale nationale, aux luttes en cours, y compris via le sport ouvrier, et bien sûr aux orientations du Parti communiste. Statutairement, la MOE voit le jour en 1926, lors du congrès de Lille de la Sfic. En 1932, la MOE devient la MOI, en raison des vents mauvais xénophobes. Avec la montée du fascisme et le danger imminent de l’arrivée au pouvoir de Hitler, la MOI continue sa croissance.
Elle représente un espoir au sein du Front populaire. Mais la guerre d’Espagne éclate. La MOI est à l’origine de la création des Brigades internationales et alimentera en grande partie ses troupes. Ceux qui en reviendront formeront plus tard le noyau dur des FTP-MOI. Au croisement du mouvement ouvrier, du patriotisme républicain et de l’Internationale communiste, les groupes de Francs-tireurs et Partisans de la MOI se constitueront à Paris et dans toutes les régions ouvrières fortement industrialisées. Et ils se référeront à la Révolution française ou à la Commune de Paris.

Pierre Chaillan