Le blog des éditions Libertalia

Hardi, compagnons ! sur Ballast

jeudi 4 mai 2023 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié sur Ballast, le 30 avril 2023.

Qui ne connaît pas l’histoire tumultueuse des milieux anarchistes durant la Belle Époque trouvera ici une utile introduction : des balbutiements de l’anarcho-syndicalisme jusqu’aux menées des « bandits tragiques », toutes les étapes du militantisme libertaire au début du XXe siècle sont successivement abordées. Qui la connaît déjà, peut-être par la fréquentation du travail de l’historienne Anne Steiner, aurait raison de se plonger également dans ce livre-là – pas tant pour apprendre des choses nouvelles que pour voir celles déjà vues d’un autre œil. Car c’est une question importante et peu défrichée que pose Clara Schildknecht à l’entame de son livre : « Quel lien y-a-t-il entre l’appartenance politique à un groupe révolutionnaire et la construction de genre ? » Car si aujourd’hui, « du militant syndical CGT à l’antifa ou à l’autonome du cortège de tête […] la performativité du genre est inconsciente, totalement intégrée », c’est notamment parce qu’elle est « héritière d’une histoire de la virilité militante ». Ainsi sont explorés tour à tour les lieux et les espaces où s’exprime et se construit cette virilité, les modes d’action et les attitudes qui la portent, le rapport aux femmes que ça induit et la réaction de ces dernières. Quel usage de la violence est privilégié ? Comment la presse s’en fait l’écho ? Quels vêtements signalent l’appartenance à un groupe ou à un autre ? Comment les femmes parviennent-elles à s’extirper d’une assignation à des tâches mineures, quotidiennes, invisibles ? Autant de questions qui amènent à suivre le parcours de figures bien connues sous un angle jusqu’alors resté dans l’ombre. On apprend que l’héroïsme militant, qui conduit à moquer les juges lors d’un procès ou à accumuler crânement les séjours en prison, est aussi un mécanisme de valorisation ; que la liberté amoureuse vantée par les anarchistes individualistes n’est pas dénuée d’inégalités entre les genres ; qu’il faut redoubler d’énergie pour se faire une place en tant que femme dans un milieu d’hommes. Hardi compagnons ! ouvre ainsi un beau chantier historiographique au cœur de l’histoire politique et sociale.

E.M.