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Trop jeunes pour mourir, dans le Canard enchaîné

jeudi 8 janvier 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Chronique de Trop jeunes pour mourir parue dans Le Canard enchaîné du mercredi 7 janvier 2015.

Prolos de feu

C’était un temps rude, brutal, violent, dont on a perdu jusqu’au souvenir. Une époque où militants et journalistes étaient le plus souvent qu’à leur tour envoyés aux assises ou en prison. Où les bagarres idéologiques tournaient au pugilat, où attentats et sabotages revendiqués, étaient légion. Un temps où, en France, on pouvait mourir pour ses idées. Où anars et communistes de la CGT étaient alliés au sein de la Fédération communiste anarchiste (FCA) et où tous se proclamaient fièrement antimilitaristes et antipatriotes. Eh oui ! aujourd’hui ça fait sourire…
Guillaume Davranche a mis huit ans à mettre en forme ce livre passionnant, relevant à la fois de la somme historique et du dictionnaire aux multiples entrées, grâce à d’ingénieuses notes de bas de page. La révolte des femmes, vaillantes « midinettes » – qui réclament l’égalité, refusée par leurs camarades, à de rares exceptions –, renvoie aux punitions atroces infligées aux soldats réfractaires, expédiés à « Biribi », sobriquet quasi poétique « dont le seul nom fait frissonner les plus durs », tant sont terrifiantes ces « structures disciplinaires et pénitentiaires de l’armée coloniale d’Afrique du Nord » permises par les « lois scélérates » que le Parti socialiste a laissé passer sans même s’en rendre compte.
Le journal La Guerre sociale de Gustave Hervé, le libertaire, « agglomérat détonnant, soudé par un même goût de la provocation et de la violence », s’écrit et s’imprime au cœur du « quartier de l’encre », à Paris, rue Montmartre, où fut assassiné Jaurès. C’est de La Guerre sociale, ou plutôt de deux de ses anciens, Maurice Maréchal et HP Gassier, que naîtra, un jour béni, Le Canard enchaîné.
Ils décerneront à Hervé, après référendum des lecteurs du Volatile, le titre de « grand chef de la tribu des bourreurs de crâne ». Batailles de mots, d’idées, de fractions, combats d’hommes et de femmes, de militants y sont éclairés par Davranche. Mais la guerre approche, qui les tuera.
Trop jeunes, si jeunes.

Dominique Simonnot