Le blog des éditions Libertalia

La Domination policière. Une violence industrielle

jeudi 7 février 2013 :: Permalien

La Domination policière. Une violence industrielle.
Mathieu Rigouste,
La Fabrique, 2012, 258 pages, 15 €.

Pour rédiger cet ouvrage de synthèse sur la police française, Mathieu Rigouste a eu recours à deux sources principales : les témoignages de terrain, recueillis auprès des « damnés de l’intérieur » (ceux qui subissent l’ordre sécuritaire) et les Mémoires ou autres récits nostalgiques et complaisants rédigés par d’anciens flics. À cette matière première s’ajoutent bien évidemment les recherches entreprises précédemment pour la rédaction de L’Ennemi intérieur (La Découverte, 2009) et Les Marchands de peur (Libertalia, 2011).

Cinq chapitres et 450 notes de bas de pages plus tard, on sort de la lecture particulièrement sonné. En dépit de quelques redites et d’une phraséologie anti-impérialiste trop appuyée, le nouvel opus de Mathieu Rigouste est solide et vaut d’être lu attentivement. Mêlant les registres (sociologie de l’émancipation, géographie critique, philosophie politique, manuel de résistance), cet essai démontre que le capitalisme sécuritaire se porte bien : les populations paupérisées sont de plus en plus ségrégées et reléguées spatialement, humiliées par une police qui pratique « l’enférocement » en s’appuyant de façon croissante sur les brigades anti-criminalité (BAC) qui tuent et mutilent en quasi-impunité. Avec force exemples, l’auteur décrypte la mentalité policière et démontre que les commandos policiers sont d’une grande rentabilité symbolique et financière pour l’État et le marché de la coercition. Il dissipe l’illusion d’une police humaniste : « Alors que la gauche de gouvernement se concentre sur la fabrication de polices d’occupation et sur l’augmentation des effectifs en tant que “service public”, la droite a plutôt tendance à étendre les polices de choc en favorisant le développement des technologies et la productivité policière. » En conclusion, « l’auto-organisation des opprimés face à la domination policière est une question de survie pour les quartiers populaires et leurs habitants ».