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Benjamin Péret, dans Le Combat syndicaliste

jeudi 5 janvier 2017 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Paru dans Le Combat syndicaliste de décembre 2016.

Péret, poète c’est-à-dire révolutionnaire

Il est réputé pour son sens de l’insulte aux curetons de ras de trottoir. Un art de vivre guilleret immortalisé par une photo publiée par La Revue surréaliste en 1927, et légendée « Notre collaborateur Benjamin Péret insultant un prêtre ». Ce bouffeur de ratichon finira avec « Je ne mange pas de ce pain-là » en épitaphe sur une tombe au cimetière des Batignolles, où ce poète révolté permanent s’est voué aux vers pour la dernière fois.
Ce type est un salaud littéraire magnifique, un cracheur dans la soupe, bon d’accord elle était un brin stalinienne et nationaliste, la poésie de la Résistance. Mais Éluard et Aragon étaient des anciennes relations et paraît que ça ne se fait pas de leur vomir sur l’auréole juste après la guerre en publiant Le Déshonneur des poètes, pamphlet riposte à un recueil dit L’honneur des poètes magnifiant la poésie de bas maquis et toute vouée à l’idéal national. « Pas un de ces “poèmes” ne dépasse le niveau lyrique de la publicité pharmaceutique et ce n’est pas un hasard si leurs auteurs ont cru devoir, en leur immense majorité, revenir à la rime et à l’alexandrin classiques », écrit alors Péret dont la ligne est de vomir toute oppression, tricolore ou pas, de l’exploitation de l’homme par l’homme à la soumission de la création à un quelconque dogme religieux ou politique.
Ce bouquin de Barthélémy Schwartz éclaire l’itinéraire d’un homme intransigeant que la poésie n’a pas enfermé dans le monde des imaginaires et des lettres.
Anticolonialiste, il se laisse guider par un genre d’intuition poétique, qui lui fait apprécier aussi, en bon surréaliste, le sens du merveilleux des Indiens d’Amérique latine, dont les cosmogonies, mythes et légendes le passionnent. Péret n’est peut-être pas tout à fait libertaire, antiautoritaire sans doute, plutôt antistalinien, enclin à suivre le trotskisme, ce qui le mène au POUM quand il rejoint les Brigades internationales en Espagne en août 1936. La persécution des militants du POUM par les communistes le mène à s’engager dans la Colonne Durruti. Poète et révolutionnaire, ou comme le dit le titre d’un docu de Rémy Ricordeau qui lui est consacré, « poète c’est-à-dire révolutionnaire », Péret a toujours mené les deux de front. Sans mélanger, même si au détour de poèmes parfois rageurs et ravageurs, on se délecte à écouter « les bruits de plaques d’égouts sautant sur la gueule des flics », quand « le vieux chien puait l’officier crevé » ou que surgit Adolphe Thiers : « Ventre de merde pieds de cochon, tête vénéneuse. C’est moi Monsieur Thiers. J’ai libéré le territoire, planté des oignons à Versailles et peigné Paris à coups de mitrailleuse. »
Entre les flics et les assommés, il choisit d’être du camp des bosses et de la rage, en clamant que « les passages avaleront les flics qui reviendront chez eux plus sales que des ministres, plus fatigués que des lampions, en un mot, prêts à donner des forces aux malheureuses petites pensées qui gémissent dans les baignoires, oubliés comme un centime. »
Ces quelques éclats de la poésie de Péret servis tièdes, tronçonnés, sont là juste pour donner envie d’aller lire le reste, qui pète à la gueule avec une jovialité désarmante.

Nicolas, Interco Nantes