Le blog des éditions Libertalia

Le Grand Soir dans L’Ours

jeudi 13 septembre 2018 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Paru dans L’Ours, numéro 470, été 2017.

Né d’un mémoire de master, ce travail de recherche prolonge et renouvelle des études plus ou moins anciennes sur l’anarchisme Belle Époque, comme le livre d’Alain Pessin (La rêverie anarchiste), les colloques sur l’imaginaire libertaire ou les travaux novateurs de Gaetano Manfredonia. L’auteure analyse une expression qui a façonné l’imaginaire libertaire et syndicaliste révolutionnaire : « le grand soir ». Elle s’est penchée sur la presse, traquant cette expression depuis son apparition, sans connotation révolutionnaire, peu avant la Commune de Paris avant d’être communément usitée à partir de 1903, sans que l’on sache avec exactitude de quand date cette réappropriation.
Elle décompose la généalogie de cette locution qui s’est peu à peu substituée à d’autres : « la fin du vieux monde », « l’aube de la société meilleure », ou simplement à « la révolution ». Mais c’est vraiment avec l’émergence du syndicalisme révolutionnaire que le « grand soir » se forge et roule pratiquement en tandem avec le développement du mythe de la grève générale. Mythe à dimension eschatologique et messianique et à très forte valeur mobilisatrice, Aurélie Carrier donne une dimension quasiment religieuse à son usage par les milieux militants. C’est même à se demander s’il ne constitue pas l’au-delà révolutionnaire. Mais, l’autre dimension, le travail quotidien d’organisation de la grève générale, vient justement rappeler qu’il n’en est rien et qu’il s’agit de changer la vie hic et nunc. L’échec de la grève générale n’interrompt pas pour autant cette rêverie d’un « grand soir », même si les petits matins ont été souvent douloureux.

Sylvain Boulouque