Le blog des éditions Libertalia

Construire un feu, dans Le Monde des Livres

lundi 6 janvier 2014 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

L’éditorial du Monde des Livres, daté du 27 décembre 2013, citait notre édition de Construire un feu.

Déjà le dégel

Dans La Reine des neiges, le nouveau dessin animé Walt Disney, une scène concentre la morale de ce conte librement inspiré d’Andersen : Olaf, le bonhomme de neige qui escorte Anna, jeune princesse au cœur glacé, allume un feu pour la sauver. Au péril de sa propre vie, le personnage de poudreuse choisit donc d’attiser les flammes. Ce geste ramasse les deux sentences qui structurent toute l’histoire. La première coule de source : « Seul un geste d’amour sincère peut dégeler un cœur de glace. » La seconde : « Le froid est pour moi le prix de la liberté », nous emmène du côté de l’existentialisme sartrien : c’est parce qu’il est une contrainte impitoyable que l’hiver met au défi ma capacité à faire des choix, et d’abord celui de la fraternité.

Le froid comme épreuve de liberté, la solidarité pour seul engagement : on retrouve cette double leçon au cœur de Construire un feu, brève nouvelle de Jack London (1876-1916) rééditée par une petite maison libertaire dans une nouvelle traduction et sous la forme d’un volume illustré (Libertalia, 78 p., 7 €). C’est encore l’histoire d’un face-à-face avec l’hiver. Malgré les avertissements des anciens (on ne marche jamais sans un compagnon par – 45° C), un homme part seul à travers le Grand Nord, avec ses moufles d’Alaska, ses chaussettes allemandes et ses biscuits au bacon.

Tout le talent de London consiste à orchestrer la lente déchéance de cet être présomptueux, qui croit pouvoir se passer d’autrui. Bientôt, son crachat crépite sur la neige, sa barbe se couvre de givre, ses orteils perdent toute sensibilité. Pour vérifier qu’elles se trouvent toujours au bout des bras, il doit chercher ses mains du regard. Et le feu, lui, se dérobe à chaque tentative de le faire prendre. Seul un camarade pourrait l’aider à craquer l’une de ses allumettes soufrées, martèle le narrateur de cette nouvelle qui se lit comme un conte philosophique.

Cette belle allégorie ravive le feu d’une certaine espérance. Elle entretient la chaleur de l’émancipation parmi les hommes qui ont renoncé à un avenir radieux sans se résoudre à avoir un cœur de glace.

Jean Birnbaum

Les Prédateurs du béton dans Le Canard enchaîné

mercredi 18 décembre 2013 :: Permalien

Chronique des Prédateurs du Béton parue dans Le canard enchaîné du 18 décembre 2013.

Péage ou pillage ?

Version rose : avec un chiffre d’affaires de 38,6 milliards d’euros et un bénef de près de 2 milliards, Vinci est une multinationale conquérante et moderne. Grâce à ses activités multiples dans les parkings, les autoroutes, le BTP, les aéroports, le TGV, les stades de foot, etc. Ce qui permet à ses 192 700 salariés d’apprécier pleinement ce slogan maison : « Les vraies réussites sont celles que l’on partage. »

Version noire : Vinci est constitué d’un agglomérat de quelque 2 500 entreprises hétéroclites. « Cette échelle humaine tant célébrée, note le journaliste Nicolas de la Casinière1, est aussi le lieu du paternalisme, du corporatisme et des rapports de force, forcément moins favorables aux salariés les plus isolés.  » Taux de syndicalisation encore plus bas que chez Bouygues ; recours à l’intérim de travailleurs déplacés ukrainiens, portugais, polonais ; conditions de travail pas toujours idéales (salarié de sa filière Eurovia mort d’un cancer de la peau après vingt ans à étendre du goudron sur les routes)…

Version rose : c’est notamment grâce au récent rachat, pour 3 milliards d’euros, de dix aéroports portugais que Vinci se porte bien : « Le trafic aérien, qui partout progresse plus vite que le PIB, a l’avantage de ne pas subir la morosité de la conjoncture terrestre » (Les Échos, 12/12).

Version noire : c’est sous l’injonction ferme du Fonds monétaire international et de l’Union européenne de réduire sa dette publique que le Portugal a dû privatiser ses aéroports, dont Vinci a obtenu la concession pour un demi-siècle. « Le groupe Vinci sait toujours profiter des crises qui agitent le globe.  »

Version rose : toujours d’après Les Échos (12/12), « c’est pour ne pas obérer les budgets municipaux que les premières concessions de parkings voient le jour dans les années soixante », et Vinci de les rafler quasi toutes. « Mais le “hit” de la période sera le rachat des Autoroutes du sud de la France, en 2005 », avec des concessions très juteuses et à très long terme…

Version noire : avec les péages, dont les prix augmentent chaque année bien plus que l’inflation, Vinci a «  érigé un système de pillage des usagers et des citoyens  ».

Version rose : Vinci a réintroduit 566 écrevisses à pattes blanches dans deux ruisseaux près de Besançon, et «  s’efforce d’atteindre les meilleurs standards environnementaux ».

Version noire : ses chartes «  sont pleines d’engagements peu engageants ».

Version rose : Vinci a emporté la construction du premier tronçon de l’autoroute Moscou-Saint-Pétersbourg, du sarcophage de Tchernobyl, de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, etc. «  Jamais l’humanité n’a autant construit  », triomphe son pédégé.

Version noire : « une réussite où enfumages, avantages et pourcentages se partagent à tous les étages.  »

Devinette : quelle est la version la plus proche de la réalité ?

Jean-Luc Porquet

Les Rois du rock en musique

vendredi 13 décembre 2013 :: Permalien

C’était il y a déjà une éternité, le 2 juin 2013, au Centre international des cultures populaires (CICP). On y a dignement fêté la sortie du disque Les Rois du rock, bande-son du livre de Thierry Pelletier.

Quelques images tournées par Alain Caron, en souvenir.

Le Grand Nord exige l’entraide

vendredi 13 décembre 2013 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Article publié dans Le Monde libertaire, 5 décembre 2013

Les Éditions Libertalia récidivent. Après Le Mexicain, Grève générale et Un steak, voilà qu’elles publient à nouveau du Jack London. Intitulé Construire un feu, le texte, rédigé au début du siècle dernier, avait déjà vu le jour chez Phébus en 2007. Le voici donc à nouveau publié, mais dans une traduction inédite – qu’on ne peut que saluer – commandée pour l’occasion et signée Philippe Mortimer. Dans cette édition, Libertalia propose deux versions d’une – presque – même histoire : une rédigée en 1902, l’autre, plus longue, en 1908. Si mes faveurs vont davantage à la seconde (qui est la première de l’ouvrage), les deux méritent d’être lues, d’autant que l’auteur y apporte vraiment quelques variations.

À la lecture, les deux textes semblent tenir davantage de la fable que de la nouvelle, comme souvent chez London, du moins lorsqu’il se frotte à la forme courte – qui lui sied si bien. Mais peu importe, après tout, ces considérations formelles, la question étant surtout de savoir ce que l’auteur cherche à nous dire à travers l’histoire de cet homme solitaire, et quelque peu trop sûr de lui, qui marche dans un Yukon (territoire canadien frontalier de l’Alaska) glacial dans l’espoir de trouver des endroits où, le printemps venu, récupérer du bois de chauffage et de construction. Les pieds trempés suite à une chute dans un lit de rivière, l’homme se voit obligé de construire un feu pour sécher chaussettes et mocassins et, ainsi, éviter que ses pieds ne gèlent, sinistre prélude à sa propre mort. Sous le regard inquiet et impatient de son chien, un husky plus souvent fouetté que caressé, l’homme parvient à allumer le feu salutaire. Mais le soulagement n’est que de courte durée, le précieux foyer étant brusquement éteint par la neige tombant des branches d’un sapin. À nouveau exposé au grand froid, l’homme, contraint de construire un second feu, rencontrera de plus en plus de difficultés, les moins soixante degrés ayant rapidement raison de ses mains et de ses pieds, provoquant l’arrivée d’une série de problèmes…

Haletante, l’histoire sera aussi l’occasion, pour le lecteur, d’en apprendre un rayon sur les erreurs à éviter dans pareille situation, ce qui n’est pas sans donner au livre un petit côté « guide de survie dans le Grand Nord » très sympathique. Mais l’intérêt de l’ouvrage, on s’en doute, réside surtout ailleurs, dans son message. Car si les deux textes proposent un dénouement différent, le discours tenu par London reste le même : l’individualisme est une impasse. Une impasse qui peut nous faire frôler la mort, quand elle ne nous conduit pas directement à son chevet. Un message peut-être entendu maintes fois, mais qu’il semble toujours nécessaire de tenir au sein de nos sociétés contemporaines, gangrénées par l’égoïsme et un certain culte de l’individu. Et quand ce message est porté par la plume de l’auteur de L’Amour de la vie, il est sans doute en mesure de percer les nuées des plumitifs médiatiques pour se faire entendre, espérons-le, du plus grand nombre. D’autant que cette réédition à l’aube de l’hiver tombe tristement à pic. Car nul doute que, cette année encore, ici même en France, et sans aller chercher dans le Grand Nord, des sans-abri mourront de froid, dans l’indifférence et la solitude – sans avoir choisi, contrairement à l’homme du Yukon, ni l’une ni l’autre, mais ayant, comme lui, manqué des autres, de nous autres.

Guillaume Goutte

Jean-Pierre Levaray, entre l’usine et la plume

vendredi 6 décembre 2013 :: Permalien

Nos amis du fanzine À bloc viennent de publier un entretien avec Jean-Pierre Levaray, qui revient bien évidemment sur sa condition d’écrivain prolétarien, mais aussi sur son passé d’activiste du fanzinat et des contre-cultures. Passionnant !
Pour se procurer ce numéro, joindre cinq euros à A contrario, BP 131, 93101 Montreuil.

Jean-Pierre Levaray, entre l’usine et la plume.

Tout d’abord, peux-tu revenir sur ton itinéraire politique puisque tu as toujours été un militant actif…

Mon itinéraire politique… Faut dire que j’ai commencé tôt, ayant 12 ans en Mai 68, c’était une époque où l’engagement politique allait de soi. Pour faire simple, j’ai été attiré par les maoïstes à l’époque (c’était de saison avec La Cause du peuple), puis le mouvement écolo et les autonomes. Après, suite à diverses rencontres, je suis entré au groupe de Rouen de la Fédération anarchiste et ça fait trente ans que j’y suis. J’écris de façon irrégulière dans Le Monde libertaire et je tiens une chronique régulière dans CQFD depuis sept ans (« Je vous écris de l’usine »). Je participe également à L’Insoumise, une librairie libertaire et alternative située à Rouen. Mais j’ai pas mal levé le pied, même si j’y suis encore. Je suis également militant syndicaliste dans ma boîte. Je suis à la CGT, parce que c’était plus simple que de créer la CNT ou SUD, et parce que, dans la chimie, la CGT est assez dure et plutôt politisée à l’extrême gauche. J’y ai eu diverses fonctions et ai été élu des travailleurs plus d’une fois. J’ai milité aussi pas mal dans une asso d’aide aux sans-pap… Bon, on arrête là sur le sujet.

Et c’est donc dans cette boîte que démarre l’aventure Putain d’usine pour le coup ?

Eh oui, c’est toujours la même boîte. J’ai eu la flemme de chercher ailleurs (enfin, jadis, j’ai postulé pour être prof en LEP, mais j’ai vu la galère et je n’ai pas franchi le pas). Du coup, j’ai passé près de quarante ans dans cette putain d’usine, mais c’est bientôt fini, comme qui dirait…

C’est bientôt fini pour toi d’y bosser. Et l’usine, elle continue ? Y a-t-il eu des évolutions depuis AZF à Toulouse, ou le cynisme marchand est-il toujours prospère ?

L’usine continue, comme tu dis, mais on se demande tous dans quel état. Parce que, depuis dix ans, les installations sont souvent à l’arrêt pour cause de pannes diverses et variées. Le matériel et les machines sont vieux. Il y a des échafaudages pour retenir certaines constructions. C’est vraiment la fin. Je pense (et je ne suis pas le seul) que nos patrons cherchent à vendre les installations, mais n’y arrivent pas pour cause de mauvais fonctionnement. Le but, c’est de ne pas avoir à financer la dépollution du site (ce qui coûte bonbon, genre 500 millions d’euros). C’est ce qui fait que l’usine n’est pas fermée, le coût de la dépollution étant élevé. Faut dire que, depuis cent ans que l’usine existe, les sols, mais aussi les étangs sur lesquels l’usine a été construite sont hyperpollués. Quant à l’après-AZF… Pas mal de mesures de sécurisation ont été prises, mais ça se délite dans le temps. Et la sécurité devient surtout un discours des directions successives qui se transforme en pression énorme sur les salariés, avec individualisation, sanctions et autres. C’est devenu un nouveau moyen de répression, car au nom de la sacro-sainte sécurité, il faut accepter plein d’atteintes aux droits des salariés.

Depuis la première publication de Putain d’usine, tu as publié des suites à cette histoire, ainsi que pas mal d’autres livres, et des bandes dessinées avec le dessinateur Efix… Comment vois-tu tout ce travail ou cette passion que tu as développés ces dernières années. Ça te change des produits chimiques ?

Ça me change des produits chimiques, mais, en même temps, j’en parle davantage. Ça me libère d’en parler. En revanche, le fait d’avoir écrit une douzaine de bouquins, le travail avec Efix, mais aussi avec des cinéastes, des gens de théâtre ou autres, ça m’a bien changé la vie. À l’époque d’On a faim !, je vivais déjà des événements forts liés à la musique, qui me sortaient du travail, mais c’était sous couvert d’une asso, d’un label, d’un groupe. Là, c’est plus solo. C’est moi qui suis devant, qui doit parler, qui doit me livrer… C’est vraiment une autre vie. C’est assez enthousiasmant. J’ai découvert d’autres milieux artistiques, comme le théâtre, qui est vraiment un milieu prenant et fort, ou la BD, avec ses festivals plus ou moins commerciaux, les fiestas et autres (même si je me sens quand même à part : je ne dessine pas, je ne fais que les scenarii). J’aime bien écrire, et j’essaie de m’y consacrer. Les activités annexes à l’écriture proprement dite me prennent de plus en plus de temps. C’est assez fou, en fait : je suis dans mon coin à écrire et, lorsque ça paraît, ça crée un mouvement, des rencontres, des découvertes. Que puis-je demander de plus ?

Tu as d’autres projets en cours ?

Ça, les projets, je n’en manque pas. En ce moment, je suis dans l’écriture d’un roman jeunesse sur la Résistance. Sur ceux et celles qui, pendant la guerre, se sont dits : « Faut faire quelque chose. » En fait, ça m’est venu par hasard, en étudiant l’histoire sociale d’un atelier de la SNCF. J’y ai découvert des jeunes gens (de 17 ou 18 ans) qui se sont engagés, dans le sabotage d’abord puis dans la Résistance proprement dite. C’est un thème qui semble éloigné de l’usine, mais je mets en scène de jeunes prolos qui prennent conscience qu’ils doivent se battre sur leur lieu de travail. J’ai un autre projet qui sera effectif à l’heure où paraîtra cette interview, c’est un livre avec un photographe, que j’ai rencontré au hasard d’une conférence et qui a toujours fait des photos de gens au travail. Et là, on va faire un travail sur les cheminots d’un atelier de la région rouennaise (ça fait suite à mon prochain roman jeunesse). Je fais les interviews sur le travail, sur les luttes, l’amiante… et lui fait les photos.
En fait, j’ai beaucoup parlé de mon travail, de l’usine et de l’aliénation, maintenant j’ai envie de faire parler les autres, d’entrer, de montrer les lieux d’exploitation. Tous ces endroits où on ne peut pas entrer ni savoir comment ça se passe, de l’intérieur. L’autre projet qui avance doucement, c’est la prochaine BD avec Efix. Il s’agit d’une petite série (théoriquement) consacrée, de façon légèrement romancée, à la vie du voleur anarchiste Alexandre Marius Jacob. La vie de ce personnage est un vrai roman politique. Par contre, c’est un vrai boulot de recherche. C’est une histoire qui se situe fin xixe début xxe siècle, il faut vraiment bien se documenter. Voilà pour les projets en cours, reste à m’atteler à Tue Ton Patron 3, le retour, mais… ce n’est pas encore pour tout de suite.

Avant tes aventures littéraires, tu as beaucoup été investi dans la publication de fanzines, de cassettes audio, de disques vinyles, de CDs, de brochures, au cours des années 1980 et 1990 et spécialement à travers On a faim ! Peux-tu revenir sur cette époque où tu étais aussi partie prenante dans le mouvement du rock alternatif et de l’anarcho-punk français ?

J’ai un peu de mal à parler du passé. Je ne suis pas nostalgique de mon passé, même si cette période musicalo-politique a été quelque chose de fort dans ma vie. Donc, pour revenir à On a faim !, il faut d’abord savoir que j’habite dans la région rouennaise et que jadis (je vous parle d’un temps que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître) il y a eu une explosion rock intéressante (Dogs, Olivenstein…), pas mal de groupes et une émulation. Sauf que, si j’allais aux concerts, j’étais toujours frustré de ne voir que des groupes qui faisaient de la musique, plus comme une pose, un peu de frime et pas beaucoup de choses derrière. Pour moi, ces groupes qui ont éclos grâce aux punks de 77 n’étaient pas à la hauteur. Il y manquait de la révolte et ils étaient plus rock que punk. En 77, pendant ma période autonome, c’était les Sex Pistols et les Clash qui m’accompagnaient, notamment lors des manifs un peu chaudes de l’époque. Et puis, il y a eu la grève des mineurs en Angleterre contre Thatcher en 1984. Et là, ça a été la révélation : en soutien, plein de groupes prenaient position, faisaient des concerts, des disques de soutien… La plupart de ces groupes se revendiquaient anarcho-punk (Crass, Conflict). Et c’était ça que j’attendais : la musique ET l’engagement. En rencontrant Annie Claude, qui était comme leur porte-parole en France et qui traduisait les textes de Crass en français, j’ai eu envie de faire un fanzine qui parlait de cette mouvance et dans lequel la copine apportait des interviews de ces groupes anglais. Le premier numéro s’est appelé Dissidence et comme c’était l’époque de l’éclosion des fanzines, il a reçu un très bon accueil. Ensuite, je cherchais un titre où il y aurait un A qu’on pourrait cercler pour faire Anar, je suis tombé sur un graffiti sur un mur « On a faim » et ça a été le déclic. À cette époque est sorti le premier disque des Bérurier noir et hop, on s’est trouvés emportés dans cette scène vraiment foisonnante. « Anarchy & Muzik » était notre démarche. On s’est retrouvés à côtoyer plein de groupes (Bérus, Ludwig, Kochise, Raymonde…). Outre les fanzines, on a été plusieurs à faire de la radio, organiser des concerts. Et puis on s’est retrouvés basés sur plusieurs villes (Rouen, Bordeaux, Poitiers, puis, dans une moindre mesure, Lyon et Le Mans). Ensuite, sous l’impulsion des Poitevins, on a sorti des disques… Nous mêlions vraiment notre engagement politique à une musique mais aussi un état d’esprit, DIY, alternatif et autres. Bon, on pourrait en parler longtemps mais ce n’est peut-être pas le thème. Ce qu’il y a de marrant, c’est que, lors de mes déplacements pour mes bouquins, je rencontre très souvent d’anciens lecteurs du fanzine.

Quelques groupes musicaux ou auteur-es de bouquins t’ont marqué ces derniers temps ?

Question bouquins, ce n’est pas facile parce que ça évolue tout le temps. Je pourrais dire qu’à l’origine c’est John Fante et Richard Brautigan qui m’ont inspiré (même si ça ne se ressemble pas), ou Jim Harrison et plein d’auteurs américains. Après, en y réfléchissant, il y a eu des auteures françaises, comme plus particulièrement Annie Ernaux, même si je ne suis pas non plus dans le même registre. C’est pas facile aujourd’hui de te citer des auteurs car je lis toujours beaucoup (ma copine, en plus, est bibliothécaire, ce qui n’arrange rien) et j’aime toujours beaucoup d’auteurs US, mais pour te dire des noms… J’aime bien Iain Levison (Un petit boulot ou Arrêtez-moi là…). J’ai bien aimé La Route de Cormac McCarthy et j’espère bien trouver le temps d’écrire une réponse à ce bouquin (peut-être Tue Ton Patron 3)…
Côté musique, c’est plus compliqué, parce que, après en avoir produit et écouté beaucoup, je n’écoute plus grand-chose. Quand j’écris, je préfère le silence (ce qui n’était pas le cas pendant l’époque OAF !). Je ne suis pas nostalgique et j’écoute très rarement les titres de l’époque OAF ! Et dès qu’un groupe s’arrête, je ne l’écoute plus. Par exemple, je n’ai pas pu réécouter les Bérus après le concert de l’Olympia en 1989. En fait, lorsqu’un disque sort, je l’écoute beaucoup et après je ne peux plus l’écouter. Une musique peut être liée à des souvenirs ou les faire revivre et je n’aime pas ce retour en arrière. Que te dire, au niveau musique ? Même si j’aime bien les Ogres de Barback, les Ramoneurs de Menhirs ou Shaka Ponk, j’écoute rarement des groupes et musiciens français, parce que soit je trouve le texte faible, soit c’est prenant et ça me prend trop la tête. Donc j’aime mieux les groupes qui ne chantent pas en français. J’écoute surtout de la musique en voiture (je roule beaucoup) et c’est assez rock, même si je ne suis pas trop fan de ce genre trop commercial qui a créé un système de starification. Je me fais souvent bluffer par des petites formations, comme les White Stripes ou The Kills (qui apparaît dans les deux Tue ton patron), ou Black Keys… J’aime bien, en ce moment un groupe de rock’n’roll rockabilly (genre que je déteste a priori), c’est Sallie Ford, une jeune sans look de 22 ans qui chante comme Wanda Jackson. Je l’ai vue sur scène et c’était un bon moment. En fait, j’aime bien les groupes qui cassent un genre, quel qu’il soit. Autrement, lorsque je redécouvre des groupes qui continuent comme Attentat Sonore, j’aime bien. J’ai découvert et apprécié aussi La Toile, de Géraldine (Kochise, Cartouche), et Tamàs, de Trottel, qui fait un genre electro-tribal intéressant.

Le mot de la fin ?

Hasta la victoria siempre… (rires.) Je ne sais pas faire les mots de la fin.