Le blog des éditions Libertalia

La Croisade de Robert Ménard dans La Marseillaise

jeudi 7 avril 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans La Marseillaise, le 10 septembre 2021.

Robert Ménard :
l’Histoire révisée au service d’un noir dessein

Ce livre-là, Robert Ménard ne va pas l’aimer. Parce qu’il déteste les historiens mais surtout parce que l’ouvrage dissèque une stratégie qui fait de l’Histoire « une arme au service de son projet politique » : la prise du pouvoir des « droites les plus extrêmes », explique Richard Vassakos, professeur d’histoire-géographie et chercheur associé au sein du laboratoire Crises de l’université Montpellier-III.

Il a beau répéter qu’il gère en bon père de famille la ville de Béziers, Robert Ménard est en croisade. Il considère « la société civile comme un champ de bataille dont il faut conquérir les positions pour établir son idéologie », analyse le chercheur. Pour cela, « ce commis voyageur de l’extrême droite » relit l’histoire, en tout cas les périodes qui l’intéressent, « au mépris des méthodes et des acquis scientifiques de la recherche ».

Ce n’est pas le moindre des mérites du livre La Croisade de Robert Ménard, une bataille culturelle d’extrême droite – dense mais très accessible – que de déconstruire les affirmations assénées au fil d’innombrables discours prononcés lors d’innombrables commémorations ; que de lister et réfuter, en historien, citations tronquées, contresens et contrevérités. Un observateur attentif se doute bien qu’il y a un projet politique derrière son appropriation des figures de Jean Jaurès ou de Jean Moulin. L’historien, lui, dévoile la méthode, le système Ménard. Et ses grands principes : « À partir de faits souvent exacts mais sortis de leur contexte » – ce qui n’empêche pas de nombreuses erreurs factuelles – il « décrit le présent comme apocalyptique », face à « un passé idéalisé ».

Jean Jaurès par exemple « se trouve embrigadé dans la politique d’une ville dirigée par l’extrême droite, mouvement qu’il a toujours combattu et qui a fini par l’assassiner le 31 juillet 1914 ». Même chose pour Jean Moulin, antifasciste depuis 1936, qui fournit des armes aux républicains espagnols, mais « dont le combat est relu au prisme de l’idéologie d’extrême droite ».

La haine de la Révolution

Jusque dans l’éphéméride de son outil de propagande principal, Le JDB (Journal de Béziers), Robert Ménard sélectionne soigneusement les dates selon leur potentiel bénéfice idéologique. Ainsi, rien d’innocent dans le choix – au moment de la crise migratoire née du conflit syrien – de la date du 25 mai 1720, qui fait référence à l’« arrivée d’un bateau en provenance de Syrie, amenant la peste ». « Dans tous les cas, les faits sont posés sans aucune explication de la situation de l’époque et permettent de nourrir les fantasmes et l’argumentaire xénophobe et raciste. »

Prenons le 14 Juillet. Pour Ménard, la prise de la Bastille, n’est « qu’une vulgaire émeute où la population s’est livrée à un massacre sanguinaire », rapporte Richard Vassakos. Cette haine de la Révolution est une constante de l’extrême droite. Quant à son traitement de la guerre d’Algérie, à l’opposé des idées de ses jeunes années, il « ajoute du sel sur les plaies des rapatriés et des harkis ». Et fait passer les colonisés pour des colonisateurs.

Robert Ménard parle beaucoup de la Résistance… en mentionnant dès qu’il le peut le nom d’hommes venus de l’Action française. « Ils étaient une minorité » quand « le ban et l’arrière-ban de l’extrême droite [étaient] à Vichy », précise l’historien. Il va jusqu’à banaliser les crimes nazis, en particulier celui d’Oradour-sur-Glane, en écrivant : « L’armée allemande s’est déshonorée ce jour-là. » Quant au prosélytisme religieux, il est permanent.

Dans cette croisade, Robert Ménard « n’est pas un épiphénomène méridional. Il s’inscrit dans un courant français et européen beaucoup plus large ». Et le citoyen engagé qu’est aussi Richard Vassakos de prévenir, à propos des semblables du maire de Béziers : « On peut penser que leurs opposants seraient bien inspirés de faire eux aussi de la politique […] car le seul discours gestionnaire ne suffira pas à contenir des hommes […] qui donnent une dimension quasi spirituelle à leur entreprise. »

Annie Menras

Rino Della Negra dans Impac

jeudi 7 avril 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Impac, le journal de la Filpac-CGT, mars 2022.

Sa famille italienne s’est installée en France après la Première Guerre mondiale. Rino Della Negra sera d’abord apprenti dans une usine du côté d’Asnières-sur-Seine. Mais sa passion du football le rattrape très vite. Son talent est remarqué par le Red Star, une des meilleures équipes de l’époque. Sa carrière prometteuse s’arrête quand la Seconde Guerre commence. Antifasciste, humaniste, il intègre le groupe de résistance des FTP-MOI de Manouchian. Arrêté, il est fusillé par les nazis au Mont­Valérien le 21 février 1944, avec 22 autres camarades du groupe Manouchian. De ce massacre, naîtra l’Affiche rouge. Rino Della Negra ne figure pas sur cette affiche placardée un peu partout en France. Certainement par crainte de montrer un espoir du football âgé seulement de 19 ans, assassiné.
Dans Rino Della Negra, footballeur et partisan, Dimitri Manessis (docteur en histoire) et Jean Vigreux (professeur d’histoire contemporaine à l’université de Bourgogne Franche-Comté) démontrent comment la France a su construire son sens de l’hospitalité sur la solidarité et les échanges. Cet ouvrage documenté est aussi un pied de nez intelligent à tous les discours de haine et identitaires diffusés, sans gêne, aujourd’hui. Bref, ce livre est instructif et nécessaire.

JD

La Croisade de Robert Ménard dans Cause commune

jeudi 7 avril 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Cause commune (mars 2022).

L’histoire manipulée

Dans un ouvrage d’une remarquable rigueur, l’historien Richard Vassakos décortique le montage démagogique avec lequel Robert Ménard, maire ultra-droite de Béziers, s’emploie à pervertir l’histoire.
Béziers, historiquement classée à gauche, cité industrielle sinistrée, a glissé depuis les années 2000 vers une droite de plus en plus dure au point d’élire comme maire en 2014, puis de réélire au premier tour en 2020, Robert Ménard, clairement marqué à l’extrême droite. Béziers est ainsi devenue pour ce politicien manipulateur un véritable terrain d’expérimentation. Il y dispose en effet de tous les moyens : possibilité de prendre la parole où il veut, quand il veut, la presse municipale et autres moyens de publication, action pour transformer les lieux, célébrations multiples… Il en use pour mettre en place un système qui instrumentalise l’histoire dans un cadre idéologique ultra réactionnaire. L’homme est capable. Journaliste formé par Reporters sans frontières, essayiste, il utilise l’histoire en tant qu’outil pour servir sa vision politique et la projeter très largement au-delà de sa ville.

Un repère absolu, la France, fille aînée de l’Eglise
Adepte, comme malheureusement quelques autres, de la thèse du grand remplacement et de la vision de la France comme une nation exclusivement chrétienne, il use avec délectation de simplifications, caricatures, déformations, omissions, allant jusqu’à utiliser en les détournant de leur vérité des figures aussi emblématiques que Jaurès ou Jean Moulin. Ne considérant l’histoire que pour servir sa vision politique, il n’hésite pas à vilipender les historiens dont c’est le métier et qui fondent leur action sur d’authentiques moyens de recherche. Pour lui ce sont des absolutistes issus de mai 68 qui ne « sont pas attachés à la rigueur de la démarche historique, ils font de la politique ». On ne saurait mieux attribuer aux autres sa propre perversité. Au cœur de ses arguments une affirmation qui dit tout : « le christianisme est un élément culturel constitutif de l’identité française ». On ne peut détailler ici tous les éléments précis et concrets qu’a recensés et finement analysés Richard Vassakos dans cet ouvrage. Il faut le lire.

Yvette Lucas

Rino Della Negra dans Le Monde des livres

lundi 28 mars 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Le Monde des livres du 24 mars 2022.

La grenade et le ballon

Biographie. Les historiens retracent l’essentiel d’une trajectoire fulgurante, qui mena le jeune joueur du Red Star à la mort sous les balles allemandes en 1944.
Insaisissable ailier droit dans les stades de la banlieue parisienne des années 1940, Rino Della Negra (1923-1944) semble presque aussi difficile à cerner pour ses biographes. Quelques traces éparses, issues des archives policières et familiales, permettent pourtant à Dimitri Manessis et Jean Vigreux de retracer l’essentiel d’une trajectoire fulgurante, qui conduisit le jeune ouvrier d’origine italienne dans les rangs de la résistance communiste, puis à la mort sous les balles allemandes, avec ceux de l’Affiche rouge, le 21 février 1944, après le démantèlement de leur groupe des Francs-tireurs et partisans-Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI). Il avait 20 ans, et quinze actions armées à son actif, dont l’attaque à la grenade du siège parisien du parti fasciste italien en juin 1943, alors même qu’il continuait à briller sur les terrains, rejoignant cet automne-là les couleurs du Red Star de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis).
À travers ce portrait, et en dépit d’incertitudes difficiles à lever sur les conditions exactes de son arrestation, tout un pan d’histoire est retracé, celui de la communauté italienne d’Argenteuil (Val-d’Oise), imprégnée par l’antifascisme et les luttes sociales au temps du Front populaire, puis celui du combat clandestin, et de sa vulnérabilité face à la traque redoutablement efficace de la police française et des autorités d’Occupation. Un engagement lumineux dont les deux historiens retracent la portée mémorielle, intense après 1945 et toujours vive. Ils en montrent même la croissance à l’échelle locale, dans des milieux à la fois supporteurs et militants, où Rino Della Negra est devenu presque une icône, associant la générosité du jeu au courage des convictions.

André Loez

Kate Millett sur Toutelaculture.com

vendredi 25 mars 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié sur Toutelaculture.com, le 25 mars 2022.

« Pour une révolution queer et pacifiste » :
au cœur de Kate Millett

Les éditions Libertalia publient Kate Millett, pour une révolution queer et pacifiste, de Marie-Hélène Dumas. Une biographie de Kate Millett qui rend compte des différentes facettes de l’autrice de Sexual Politics. 

Kate Millett et sa lutte féministe
La thèse de Kate Millett Sexual Politics, qui étudie des auteurs comme Norman Mailer et Arthur Miller à l’aune de ce que l’on appellera plus tard les gender studies, fut une première révolution. L’originalité de l’approche de la militante féministe est en effet de mettre en lumière le fait que ces écrivains, réputés subversifs, s’inscrivent en réalité dans la tradition patriarcale. Lectrice de Beauvoir, mais aussi de Genet, Kate Millett milite pour de nouveaux rapports entre les hommes et les femmes, où les aventures amoureuses ne soient pas brandies comme de simples trophées, attestant de la virilité conquérante des hommes.
Si elle rejoint pour cela de nombreux mouvements féministes américains, l’autrice est également sensible à une dimension particulière de son propre rapport aux femmes, son homosexualité. Pionnière dans la reconnaissance de l’homosexualité, elle se heurte alors, non seulement au rejet des conservateurs, mais aussi à celui d’autres militantes, qui l’accusent de mettre à mal, par son coming out, la quête de légitimité du mouvement féministe.

Au cœur de Kate Millett
L’un des intérêts majeurs de cette très jolie biographie est donc de lever le voile sur les dissensions internes au mouvement féministe américain de l’époque. A travers le personnage de Kate Millett, dont nous suivons les espoirs et les doutes, c’est toute une histoire des idées féministes qui est retracée. S’appuyant avec précision sur les propres témoignages de la militante, mais aussi sur des échanges avec ses anciennes camarades de lutte, cette biographie nous plonge au cœur du personnage. Les notations sur sa vie privée évitent toutefois l’écueil de l’anecdotique en ce qu’ils intègrent cette figure à un panorama plus large des rapports de forces induits par le patriarcat. A titre d’exemple, le récit de ses nombreuses dépressions et de ses passages en hôpital psychiatrique sont l’objet d’une réflexion sur l’usage répressif de la psychiatrie.
Autre apport de cette petite biographie : la mise au jour de l’activité artistique de Kate Millett. Plasticienne infatigable, ses nombreuses installations font la part belle à la cage, métaphore de l’enfermement des femmes. Des photographies, à la fin de l’ouvrage, permettent une première découverte de cet aspect méconnu de la militante féministe.

Julia Wahl