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mercredi 20 mai 2015 :: Permalien
Recension de Trop jeunes pour mourir sur Non Fiction (30 avril 2015).
Dans Trop jeunes pour mourir, Guillaume Davranche saisit le mouvement libertaire à son acmé et étudie l’histoire d’un déclin, bien que les militants refusent alors de le vivre comme tel. Déclin parce que l’année 1909 entérine sa perte d’influence dans la Confédération générale du travail, la centrale syndicale que les libertaires avaient grandement aidée à développer, et qui glisse progressivement vers une forme de réformisme qui ne dit pas son nom. Son secrétaire, Léon Jouhaux, s’est pourtant formé dans cette mouvance. Mais si elle demeure proche de certaines des figures tutélaires de l’anarchisme, c’est surtout par souci d’équilibre.
En ce moment de perte de vitesse, la question qui taraude les anarchistes demeure celle de l’organisation. Débat qu’ils n’arrivent pas à résoudre. Ils sont éparpillés entre de multiples tendances, chapelles et individualités, qui rivalisent d’invention mais qui demeurent par nature incapables de se regrouper, au nom de la prééminence de la liberté individuelle. Quelle forme doit donc prendre l’organisation libertaire ? Certains sont un temps séduits par l’idée d’un parti révolutionnaire comme celui que fonde le socialiste insurrectionnel Gustave Hervé. Très vite, ils voient l’impasse. Davranche restitue bien les débats et explique que la Fédération révolutionnaire, fondée en 1910, reste aussi éphémère qu’embryonnaire. La tentative insurrectionnelle de l’automne 1909, après les manifestations de protestation qui ont suivi l’exécution de l’anarchiste et pédagogue espagnol, Francisco Ferrer achève de cliver les comportements. Le monopole que Gustave Hervé et la revue antimilitariste La Guerre sociale veulent instituer sur le mouvement révolutionnaire donne indirectement naissance à la Fédération révolutionnaire communiste, l’ancêtre (de deux ans) de la Fédération communiste anarchiste. C’est cette dernière qui connaît un véritable succès. Cette FCA est vivifiée par la réapparition des Jeunesses syndicalistes, principalement constituées autour du noyau parisien qui représente les deux tiers des effectifs.
Parallèlement à la volonté de construire une organisation politique structurée, nombre de libertaire flirtent avec la mouvance individualiste où se retrouvent des militants aux marges de la légalité. C’est là que la Bande à Bonnot a pris naissance et s’est développée. Les « bandits tragiques » ont généré la réprobation d’une partie de la mouvance organisationnelle. Les autres libertaires les qualifiaient au mieux de « révoltés égarés » alors que d’autres les dénonçaient en tant que groupe de mouchards.
Parallèlement à l’achèvement de cet épisode tragique survient l’essor, dans le mouvement libertaire, de la Fédération communiste anarchiste (FCA), créée en 1912 : depuis lors, une nouvelle génération impulse le mouvement anarchiste. Ils ont entre 25 et 50 ans et sont pour la majeure partie d’entre eux passés par la CGT. Ils sont en concurrence directe avec les militants de la Guerre sociale animée par Gustave Hervé pour affirmer la suprématie des idées libertaires sur la gauche révolutionnaire et sur la frange la plus révolutionnaire de la CGT. La concurrence est rude, et la fondation d’une caisse de solidarité aux prisonniers comme les campagnes contre le bagne témoignent de part et d’autre d’une volonté de s’arroger le monopole de l’expression, ainsi qu’une certaine forme de « pureté révolutionnaire ». Enfin, le tout se termine par quelques noms d’oiseaux et surtout une violente bagarre qui fera cesser les hostilités, les libertaires ayant réussi à imposer une forme d’hégémonie.
Mais cette « victoire » est en trompe-l’œil. Est-ce parce qu’ils sont convaincus de leur force que les libertaires se lancent dans des appels détaillés au sabotage de la défense nationale, ou est-ce plutôt pour passer pour victime de la répression, et en conséquence, se lancer dans une course en avant ? Toujours est-il que la FCA tente plusieurs mobilisations contre la guerre et la répression sans arriver à entraîner les gros bataillons ouvriers. Si les mobilisations contre la guerre conservent de l’ampleur, le recul est perceptible et les libertaires semblent avoir définitivement perdus la bataille, avant même la guerre, à laquelle seule une minorité de ces antimilitaristes refusera de se rendre.
Restent plusieurs questions : combien de ces amants passionnés de la culture de soi-même, adversaires de toutes les dictatures – pour paraphraser les mots de Fernand Pelloutier – sont finalement partis au front, et combien y sont morts ? Parmi les survivants, combien ont cédé aux sirènes du communisme ? Pour combien de temps ? Le guesdisme et l’hervéisme étaient-il finalement les seuls précurseurs du communisme ? L’anarchisme n’y a-t-il pas apporté sa contribution involontaire ? Mais ceci est l’objet d’autres ouvrages…
Celui-ci, passionnant, tient à la fois de la chronique et de l’ouvrage militant. L’auteur ne s’en cache pas ; il appartient à une organisation libertaire, prend parti et affirme ses choix et ses sympathies, sans que cela n’entache la qualité du récit ni l’impartialité avec laquelle les faits sont rapportés. La chronique a belle allure : en plus de cinq cents pages, elle explore une page d’histoire peu connue voir totalement oubliée de l’histoire du mouvement libertaire, et par récurrence, du mouvement syndical, du mouvement associatif et des micros communautés qui fondaient alors une partie de la gauche française. S’il est possible de lui reprocher quelques longueurs et va-et-vient, le tout est plaisant, agréable et accessible pour le lecteur non initié alors que les spécialistes y trouveront moult détails inédits, ainsi qu’une riche iconographie composée de dessins originaux et de reproductions d’affiches de la période concernée.
Sylvain Boulouque
mercredi 20 mai 2015 :: Permalien
Recension de Charles Martel et la bataille de Poitiers, de l’histoire au mythe identitaire sur le site Histoire pour tous (21 avril 2015).
Depuis les années 2000, la figure de Charles Martel et la bataille de Poitiers où en 732, il repousse avec son armée franque les troupes arabo-berbères d’Abd al-Rahmân, sont devenues un enjeu de mémoire et d’instrumentalisation du passé, notamment de la part de l’extrême droite française voire européenne. Souvenons du « Je suis Charlie Martel » prononcé par Jean-Marie Le Pen au lendemain du massacre de Charlie Hebdo. Deux historiens, William Blanc et Christophe Naudin, reviennent sur l’histoire de cette bataille et analysent son utilisation politique des origines à aujourd’hui. Ils livrent un essai historique complet et nécessaire montrant comment un événement a priori modeste, si ce n’est mineur, de l’histoire de France est devenu un mythe historiographique et identitaire.
De Médine à Poitiers
Le présent ouvrage se découpe en deux grandes parties. Si la seconde s’intéresse à la mémoire et au mythe de la bataille de Poitiers, la première partie aborde son histoire et son déroulement. À ce titre, les deux auteurs nous offrent un rigoureux exercice de synthèse sur cet événement. Car cette bataille demeure aujourd’hui fort mal connue jusqu’à sa date et son emplacement. En effet, si la date communément retenue est celle de 732, le doute subsiste entre 731 et 734. Quant à sa localisation, n’oublions jamais que les historiens anglais parlent traditionnellement de « The Battle of Tours ». Que dire alors des connaissances actuelles sur son exact déroulement ?
Pour autant, Blanc et Naudin n’ont pas cherché à fournir une nouvelle approche historique de la bataille mais à nous faire comprendre sa nature à la lueur des dernières recherches et à nous permettre d’appréhender sa véritable importance. Ce qui ne pouvait se faire qu’en la replaçant dans un contexte élargi, celui des relations entre l’Islam et les mondes chrétien, byzantin, franc ou encore perse. Leur essai débute ainsi plus d’un siècle avant la bataille de Poitiers, quand le prophète de l’Islam, Muhammad, décède à Médine en 632 et que débutent les conquêtes « islamiques ». Et il ne s’arrête pas non plus à la fin de ladite bataille. Car loin d’avoir arrêté une invasion, Charles Martel n’aurait fait que repousser une simple armée venue piller la Gaule. Le maire du palais ne stoppe d’ailleurs pas non plus ces pillages alors dirigés vers la Provence. Enfin, la démonstration des deux auteurs montrent qu’au delà de cet affrontement à l’impact aujourd’hui incontestablement fantasmé, les relations entre Islam, Francs et populations locales au VIIIe siècle ne sont pas celles d’un conflit permanent. Des alliances, qu’elles soient politiques, diplomatiques ou commerciales sont nouées et perdurent sans que le fait religieux – et donc une soi-disant islamisation forcée – n’intervienne rendant le célèbre Choc des civilisations de Samuel Huntington publié en 1996 hors propos.
L’instrumentalisation du passé : une pratique ancienne
Si la bataille de Poitiers n’a très certainement pas eu l’aura et l’importance que nous lui accordons aujourd’hui ; si Charles Martel n’a pas, comme nous l’entendons souvent, « arrêté les arabes à Poitiers », il n’en demeure pas moins que sa récente instrumentalisation par l’extrême droite est tout sauf un fait récent. Bien au contraire, l’utilisation du passé à des fins politiques (entre autre) est une pratique ancienne à laquelle la bataille de Poitiers et Charles Martel ne font pas exceptions. Reste néanmoins à savoir de quelle façon et dans quelle proportion. C’est à ces questions que se sont attachés les deux auteurs afin de livrer une étude approfondie en ne négligeant aucune source et en les analysant objectivement. De ce fait, Charles Martel a toujours été l’objet depuis le Moyen Âge d’une instrumentalisation politique. Néanmoins, cette instrumentalisation s’avère discrète, fluctuante, oubliant souvent la bataille de Poitiers. Enfin, loin d’être l’apanage de l’extrême droite, la figure du maire du palais n’a pas cessé de valser selon les intérêts politiques et religieux du temps.
C’est ainsi avec une grande minutie que Blanc et Naudin exposent et commentent la mémoire de Charles Martel et de la bataille de Poitiers à travers les âges. Il est dès lors extrêmement intéressant et passionnant d’observer que pendant la période médiévale, la bataille de Poitiers, bien loin d’être un événement majeur, fondateur ou décisif de notre histoire, est tout simplement quasi-oubliée ou confondue avec d’autres batailles qui parfois ne concernent nullement les Sarrasins – et donc un affrontement entre Islam et chrétiens – mais des peuplades venues de l’Est, de l’actuelle Allemagne. Et que pendant de longs siècles, Charles Martel est persona non grata dans notre histoire auprès des rois de France. Pire ! Chez certains clercs, le maire du palais est voué aux enfers pour avoir spolier les biens de l’Église. Il peut dès lors apparaître comme un sauveur de la chrétienté et de l’Occident ou bien au contraire comme un tyran et un usurpateur. Il peut devenir tour à tour pendant la période moderne un défenseur de la monarchie absolue ou un protecteur de la noblesse luttant contre cette monarchie absolue. Il peut devenir sous la plume de Chateaubriand un des chantres du christianisme, rempart à l’esclavage tout comme un païen chez Michelet, ayant empêché la civilisation de se développer chez Voltaire. Et ce ne sont là que quelques petits exemples des différentes fluctuations de Charles Martel dans l’histoire et avec lui de la bataille de Poitiers qu’évoquent Blanc et Naudin, ne passant outre aucune des représentations possibles : la littérature, la sculpture, la peinture, le cinéma et même les timbres sans naturellement oublier les manuels scolaires où la bataille de Poitiers brille par sa quasi-absence depuis toujours.
Le mythe identitaire
Quelque soit l’instrumentalisation de Charles Martel à travers l’histoire, celle-ci demeure modeste jusqu’à la fin du XIXe siècle où s’opère un tournant avec sa récupération et son utilisation par l’extrême droite. Pour autant, le maire du palais et la bataille de Poitiers sont encore loin d’être des symboles remparts contre le « Grand Remplacement » comme nous pouvons le voir aujourd’hui. Ils sont avant tout des symboles pour lutter tantôt contre le judaïsme, tantôt contre le communisme, enfin contre l’américanisme lorsque les États Unis prennent fait et cause pour les populations albanophones et musulmanes lors de la guerre du Kosovo en 1999. Et à Charles Martel de pénétrer plus fortement le roman national comme étant le sauveur de l’Europe face à l’Islam comme nous pouvons le voir apparaître dans les écrits ou discours de politiques comme Jean-Marie Le Pen, Bruno Mégret ou de personnalités comme Lorànt Deutsch et Éric Zemmour. Ces personnalités dénoncent à ce propos un certain ostracisme du vainqueur de la bataille de Poitiers de la part de l’actuel gouvernement de gauche et de la dite pensée unique allant de pair. Et c’est à ce moment que le livre de Blanc et Naudin prend tout son sens en expliquant que justement, la bataille de Poitiers n’a rien d’un événement fondateur de l’histoire de France et elle n’a quasiment jamais été regardée comme tel.
Notre avis pour conclure
Parfois touffu, parfois trop pointilleux, le livre de William Blanc et Christophe Naudin n’en est pas moins parfaitement mené et complété par de riches annexes (iconographies, cartes, etc.). Utile et nécessaire, cet ouvrage tord le coup aux idées reçues faisant de la bataille de Poitiers un véritable « choc » des civilisations et de Charles Martel un héros national ayant repoussé l’envahisseur musulman. Mais mieux encore, les deux historiens démontrent que cet événement n’a jamais été considéré comme important dans notre histoire à quelques exceptions, des exceptions fortement politiques comme celle qu’utilisa le groupe Génération identitaire avec son slogan « Je suis Charlie Martel » à la suite du massacre de Charlie Hebdo. Et si le précédent ouvrage des deux auteurs – Les Historiens de garde, coécrit avec Aurore Chéry, Éditions Inculte, 2013 – pouvait laisser parfois place à la polémique et aux orientations politiques, ce n’est ici jamais le cas. Cet essai historique reste neutre et objectif. Et c’est-ce pas là, la meilleure des façons de combattre les manipulations politiques dont l’histoire fait inlassablement l’objet ?
J. Perrin
mercredi 20 mai 2015 :: Permalien
Paru dans Le Monde libertaire (7-20 mai 2015)
Avec Comment peut-on être anarchiste ? Claude Guillon donne à lire, presque in extenso, ce qu’il a écrit pendant ces quinze dernières années ; textes repris de différents journaux, de revues, de tracts, ou simplement mis en ligne par ses soins ; les références multiples semées dans ce livre permettront aux plus curieux de prendre connaissance de nombreux autres ouvrages seulement écartés pour alléger ce déjà gros volume.
Claude Guillon, pensons-nous, sans doute à tort, est essentiellement connu du grand public pour Suicide, mode d’emploi, ouvrage − qui fit scandale − écrit avec Yves Le Bonniec et qui donna lieu à procès. Rappelons pour l’humour qu’il était conseillé au lecteur suicidaire, avant de passer à l’acte, de « faire le tour du monde en 8 880 jours » et aussi « de ne pas rester sur sa fin » (sic).
Dans Comment peut-on être anarchiste ? nous voudrions retenir, entre autres sujets d’actualité sur lesquels l’auteur aiguise ses dents, une critique sans concession de l’expression écrite d’un Chomsky (réformiste), d’un Brossat (hyper-radical en théorie mais qui accouche d’une approbation des lois en vigueur), de l’expression radiophonique d’« Onfray-mieux-d’se-taire » ou de l’expression physique des jeunes femmes aux seins nus (les Femen) armées de leur « déplorable goût » pour de la publicité ; critique qui entraîne souvent notre auteur sur le chemin de la polémique. Mais Claude ne craint jamais le conflit verbal ou écrit ; encore moins de s’alarmer quand il choque son lecteur en lui rebroussant le poil.
Claude Guillon se déclare révolutionnaire et communiste libertaire ; ce qui explique aussi sa charge contre les bonnes âmes d’Attac (l’Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne) qui s’habillent des « oripeaux de la radicalité » dans un monde où « la faiblesse actuelle de l’idée révolutionnaire » est affligeante. Et, si la gauche réformiste au pouvoir a montré quelque chose, c’est bien son impossibilité à réformer le capitalisme. D’ailleurs, à propos d’électoralisme, Guillon déclare avec énergie : « Les urnes sont funéraires, la vraie vie se décide ailleurs ! »
Mais nous aimerions surtout attirer l’attention du lecteur sur une particularité de notre auteur, une habitude, une manière militante d’être quand il accompagne physiquement toutes les grandes « émotions » du peuple, quand il participe à toutes les grandes manifestations de rue de notre époque. Et, plongé dans la foule, il développe une analyse très lucide des situations.
Aussi ne sommes-nous pas surpris qu’un de ses engagements subversifs favoris soit la distribution de tracts pendant ces déploiements populaires ; tracts au demeurant rien de moins que succincts.
De plus, il ne craint pas, lui si soigneux du souvenir et qui a fait le choix d’étudier en bibliothèque les « enragés » et les émeutes de la Révolution française, de rapprocher tous ces moments d’agitation anciens du temps présent.
À l’écoute, attentif, il tente de ne pas être oublieux d’« une infinité d’informations qui n’ont pas été collectées sur le moment ».
En effet, les recherches historiques de Claude Guillon sur la Grande Révolution et ce qu’il avance sur les révolutions à venir − qui seront sans modèle − sont là, nous semble-t-il, ce qu’il y a de plus original dans sa pensée en construction.
Par ailleurs, dans un tract de quatre pages, « Qu’est-ce qu’une révolution communiste et libertaire ? », distribué lors des manifestations lycéennes de mai 2002, puis repris en ligne et en revue, Claude Guillon, à propos de la violence, nous dit qu’elle est d’abord l’expression du monde capitaliste. Mais il ajoute :
« Dans une société techniquement développée où peuvent être mises en œuvre de nombreuses techniques de sabotage (informatique notamment), qui ne nécessitent pas ou très peu de violence physique, les meilleures chances sont réunies de paralyser le système en faisant moins de victimes humaines que les accidents de la route un week-end de Pâques. »
Et, bien qu’il ne soit pas opposé à toute contre-violence, nous ne sommes donc pas trop surpris de lui voir mentionner la notion de « non-violence active » qui n’est donc pas, pour lui, contradictoire avec une pensée radicale. On en déduira que l’auteur ne ménage aucun effort intellectuel pour imaginer un projet révolutionnaire cohérent :
« La geste révolutionnaire sera d’autant plus belle qu’elle fera moins de victimes, y compris parmi les salauds indiscutables. »
Il écrit encore :
« Pour une organisation politique, le caractère inutile ou contre-productif d’une action la rend illégitime. »
Sa réponse à Gérard Coupat (le père de Julien Coupat, celui qui fut accusé d’avoir voulu saboter une ligne de chemin de fer), qui l’invitait à l’Assemblée nationale pour un colloque consacré au « bilan de vingt-cinq ans de lois antiterroristes » (sic), est plus que bienvenue. Car la proposition n’était nullement un canular, sans doute une forme désinvolte d’ironie…
De même, on appréciera son « Je ne suis pas Charlie » :
« Sachant que la France est en guerre, je n’éprouve pas le même étonnement que beaucoup de Charlie à apprendre qu’un acte de guerre a été commis en plein Paris… » ; une guerre « permanente et tournante » qui se déploie − en notre nom − en différents pays du monde et une action guerrière qui a suscité l’écœurante « union sacrée » que l’on sait.
Il y a peu de ses points de vue qui n’apportent pas notre adhésion, aussi nous étonnons-nous d’une légère réticence de notre part à lui emboîter quelquefois le pas. Pourquoi ? Une tonalité ? Une posture ? Une assurance trop orgueilleuse ?
Qu’importe ! À chacun son style ! À chacun sa voix ! Notre lutte a besoin du concours de tous et de la diversité du discours.
« Rien n’est donné, rien n’est acquis, voilà bien la seule règle de conduite, d’ailleurs commune au mouvement des femmes et au mouvement révolutionnaire ».
André Bernard
jeudi 14 mai 2015 :: Permalien
Tribune parue dans CQFD, mai 2015.
Quoi de commun entre David Graeber, Raoul Vaneigem, le collectif Mauvaise Troupe et Norbert Trenkle ? Ce sont de brillants penseurs et activistes. Mais leurs livres sont imprimés dans des pays où la main-d’œuvre est moins onéreuse. Voyage dans les coulisses de l’édition.
De nombreux éditeurs dits « indépendants [1] » ou « engagés » n’hésitent pas à faire imprimer leurs livres dans les pays de l’Est, en Bulgarie, en Pologne, en Lituanie, etc. Rien de bien étonnant à cela, mais la critique du capitalisme se dissout-elle dans les impératifs économiques ? Les pratiques ne sont-elles pas à la base de toute contestation politique ? Faut-il distinguer le contenant du contenu ?
Depuis belle lurette les éditeurs commerciaux se sont tournés vers la Chine, réputée moins chère et plus compétitive pour la fabrication des livres « animés » ou des livres-objets. Qui est encore choqué par cela tant la délocalisation est entrée dans les mœurs ? Les grands éditeurs imprimant à des milliers d’exemplaires, la ristourne est d’autant plus avantageuse. Mais à leur décharge, ces éditeurs « industriels » ne sont pas connus pour être de fieffés défenseurs de l’économie locale ou des détracteurs des ravages du capitalisme mondialisé.
Parallèlement, l’édition française – et en cela elle reste encore une exception – compte myriade de petits éditeurs, dont un courant vivace, regroupé sous les appellations d’« éditeurs engagés », voire « militants » ou « alternatifs », ou plus simplement de « critique sociale ». Par les temps qui courent, où l’édition est trustée par de grands groupes tels Planeta ou Hachette, l’existence de ces maisons d’édition représente un souffle ou une poche de résistance essentielle à la pensée critique.
Bien souvent, les conditions matérielles ne sont pas réunies pour que ces maisons puissent vivre de leurs ventes, avoir des bureaux et rémunérer leurs animateurs et collaborateurs. Les aides du CNL et des collectivités territoriales restent une véritable béquille quant à la production éditoriale, tant pour la fabrication des ouvrages que pour la traduction d’œuvres ambitieuses. Ce segment de l’édition française vit donc plus ou moins sous perfusion. Plutôt plus que moins, d’ailleurs. Mais sa production connaît une vitalité certaine, qui permet de trouver dans les librairies des textes critiques, des textes ardus qui mettront des années à s’écouler mais qui présentent une importance réelle dans l’histoire des idées, des traductions de textes subversifs, des textes qui permettent à des idées minotaires de trouver un écho et un lectorat, des textes que l’économie du livre laissent sur le carreau. Pas rentables, trop chers à traduire, pas formatés pour les médias (les pavés par exemple), auteur inconnu, etc.
Dans ces conditions d’existence difficiles, où la diffusion-distribution reste un casse-tête, l’idée de faire des économies çà ou là fait son chemin. Un des postes les plus coûteux pour l’activité d’un éditeur est bien évidemment celui de l’imprimerie. Alors les convictions politiques sont mises à mal… Imprimer en Pologne un texte de Marx sur la théorie de la valeur ? Pas de problème. Imprimer en Bulgarie un ouvrage sur les luttes politiques de « l’ultragauche » ? Pas de soucis. Pour autant, nos pratiques ne sont-elles pas le fondement de nos engagements politiques ? Pouvons-nous prôner une idéologie anticapitaliste dans nos ouvrages et nous en détourner au premier obstacle économique ? Oui, imprimer en France coûte plus cher. Oui, les petits éditeurs manquent cruellement de moyens. Mais le système capitaliste qui consiste à faire baisser les prix en allant exploiter une main-d’œuvre moins chère dans des pays où le niveau de vie est bien moindre est justement au cœur de l’économie mondialisée que nous rejetons en bloc. C’est elle qui est à l’œuvre quand on propose à un salarié de Good Year qui va être viré un reclassement en Tunisie pour 500 euros par mois. C’est elle encore qui permet à de grands industriels du textile de faire fabriquer des chaussures à des enfants en Asie payés une bouchée de pain pour les revendre en Europe à des prix exorbitants (le quart d’un RSA par exemple). C’est elle aussi qui permet aux entreprises du CAC 40 de reverser des dividendes exponentiels à leurs actionnaires quand les populations triment deux fois plus à cause de « la crise »…
L’argument le plus souvent avancé par ces éditeurs est qu’ils font aussi tourner l’économie des pays de l’Est, que cela peut permettre aux salariés des imprimeries roumaines ou bulgares d’avoir des conditions de travail moins précaires. Bien sûr ! Mais le chemin va encore être très très long ! Voilà où nous en sommes : « D’un rapport de 1 à 14 en 2008, l’éventail des différents Smic brut est passé de 1 à 10 début 2015. […] En queue de peloton, les pays de l’Est : la Bulgarie (184 euros), la Roumanie (218 euros), la Lituanie (300 euros) ou encore la République tchèque (332 euros) [2]. »
L’autre argument est celui de l’Europe. D’ailleurs, il n’est pas rare de trouver dans l’achevé d’imprimer, à la fin du livre, « imprimé en Europe ». Certes, ce n’est pas en Chine ou en Malaisie, mais lorsque l’on trouve cette référence, on se doute que ce n’est pas en France et que l’éditeur a préféré ne dire où… N’assumerait-il pas son choix ?
Finalement, imprimer dans les pays de l’Est n’est pas vraiment le problème, au fond. Loin de moi l’idée d’une préférence nationale ! Mais cela révèle, en revanche, un vrai souci quant au développement des idées anticapitalistes que d’aucuns classent sans suite sous l’appellation « utopie ». Est-ce effectivement une utopie de croire que la faillite du capitalisme peut résider dans nos comportements, au quotidien, au boulot, face aux patrons, avec les armes qui sont les nôtres (grève, boycott, pratiques raisonnées, entraide, solidarité, prix libres, échanges, DIY, etc.) ? Est-ce que, pour reprendre une expression de John Holloway, « la révolution ne consiste pas à détruire le capitalisme, mais à refuser de le fabriquer » ?
Charlotte Dugrand
[1] « Indépendant » peut porter à confusion, Gallimard étant, par exemple, un éditeur indépendant…
[2] Luc Peillon, « Les écarts de Smic se réduisent en Europe », Libération, 27 février 2015. http://www.liberation.fr/economie/2015/02/27/les-ecarts-de-smic-se-reduisent-en-europe_1210871
jeudi 14 mai 2015 :: Permalien
Article publié dans La Révolution prolétarienne (n° 788, mars 2015, p. 28-29).
Depuis une petite dizaine d’années, le paysage éditorial s’est profondément transformé avec, d’une part, une logique financière et managériale de plus en plus accentuée de la part des grands groupes éditoriaux intégrés ou non à des multinationales, de l’autre une floraison de petites structures indépendantes qui conjuguent engagement social et créativité tous azimuts. Il serait trop long d’en dresser un panorama, même partiel, mais, à titre d’exemple, examinons ici trois collections de trois éditeurs différents qui embrassent un large spectre des préoccupations et des problématiques des principales composantes de la gauche radicale actuelle, du trotskisme classique aux milieux de la décroissance en passant par le mouvement libertaire.
Pour le premier, l’organisation trotskiste l’Union communiste, plus connue sous le nom de son hebdomadaire Lutte ouvrière, est à l’initiative des éditions Les bons caractères, fondées en 2004. L’objectif général est le suivant : « Nous voulons faire découvrir ou redécouvrir des documents, des romans historiques et sociaux, des témoignages et des ouvrages théoriques qui contribuent à la défense des idées progressistes, laïques, sociales, antiracistes et antixénophobes. » Le catalogue comprend cinq collections. Il y a d’abord « Classiques » (avec des auteurs comme Karl Kautsky, Paul Lafargue, David Riazanov, Alfred Rosmer et Trotski) et « Histoire » qui comprend cinq titres parmi lesquels on retiendra tout particulièrement De l’Oncle Tom aux Panthères noires de Daniel Guérin et le classique de Jacques Danos et Marcel Gibelin, Juin 36. Il y a ensuite « Roman » où figurent entre autres Les Damnés de la Terre de Henry Poulaille, La Paix d’Ernst Glaeser et la monumentale trilogie du Finlandais Väinö Linna, Ici sous l’Étoile polaire, sur l’histoire de son pays de la fin du xixe siècle aux années 1950, à travers une famille de la région de Tampere. La collection « Témoignages » présente les indispensables Moscou sous Lénine d’Alfred Rosmer avec la belle préface que lui consacra Albert Camus et Autobiographie de la syndicaliste et socialiste américaine Maman Jones. C’est à la dernière, sans doute la plus originale, que nous allons nous intéresser ici. Dénommée « Éclairage », cette collection a démarré en juin 2010 avec l’« ambition de contribuer à la compréhension de la marche de l’histoire et d’apporter son éclairage sur les éléments du passé, lointain ou proche, dont l’influence se propage dans l’actualité politique ou sociale ». D’un format de 115/162 pour environ 150 pages et 8,20 euros, elle compte douze volumes à ce jour et on ne connaît pas encore les prochains titres. Ceux-ci sont essentiellement historiques et concernent majoritairement l’histoire contemporaine. On y trouvera donc La Première Guerre mondiale, particulièrement utile après une année de commémorations consensuelles pour avoir un point de vue dissident sur les causes d’un conflit pour le repartage du monde entre puissances impérialistes, Proche-Orient 1914-2010 sur les origines et les évolutions du conflit israélo-palestinien, Italie 1919-1920. Les deux années rouges, sur la péninsule entre fascisme et révolution au sortir du premier conflit mondial, sur La Russie avant 1917, ou encore sur La question coloniale dans le mouvement ouvrier français. Les deux derniers titres parus abordent, en deux parties chronologiques, L’Opposition communiste en URSS à propos de la lutte des trotskistes contre le stalinisme à partir de 1923. Sur le long terme, deux ouvrages présentent une Histoire de la mondialisation capitaliste, de 1492 à nos jours. Deux titres remontent plus loin dans le temps : l’un traite de l’essor et des apports de La Civilisation arabe du VIIIe au XIIIe siècle ; l’autre aborde Les philosophes des Lumières. Enfin, dans un domaine différent, le neurobiologiste Marc Peschanski examine les rapports entre Le Cerveau et la pensée. D’un tirage moyen de 2 000 exemplaires, le tome I de Histoire de la mondialisation capitaliste en est à sa troisième édition, tandis que ceux sur La Première Guerre mondiale, L’Opposition communiste en URSS ou Proche-Orient 1914-2010 dépassent les 2 000 exemplaires vendus. Cette jeune maison d’édition militante aspire à créer une sorte de Que-sais-je ? d’extrême gauche avec une collection de poche présentant des synthèses claires et abordables sur des grands sujets historiques et politiques, voire scientifiques, qui conditionnent notre présent.
Dans un tout autre style, les éditions Le passager clandestin ont été créées en 2007 sur une problématique liée à l’écologie et à la critique sociale contemporaine : « Tandis que le réel nous glisse entre les doigts, affirme cet éditeur, nous voulons arracher à l’histoire quelques fragments de vérité, interroger sans complaisance l’ordre présent des choses… et rappeler à toutes fins utiles que cet ordre-là ne s’impose pas à nous comme une évidence. » Connues d’abord pour sa collection de rééditions de textes classiques du mouvement social (d’Auguste Blanqui à Élisée Reclus en passant par Jaurès, Lafargue, Thoreau, Tolstoï, Zo d’Axa et bien d’autres) commentées par des auteurs contemporains engagés, et par la collection « Désobéir » du mouvement des désobéissants (on retiendra tout particulièrement les titres sur le nucléaire, la publicité ou la voiture), ces éditions s’imposent depuis le début de 2013 avec une nouvelle collection, « Les précurseurs de la décroissance », dirigée par Serge Latouche. Un petit texte, qui figure au début de chaque titre, résume les intentions de la collection : « Le concept de décroissance est relativement nouveau. Le terme même de “décroissance”, réactualisé en 2001 pour dénoncer l’imposture du développement durable, est volontiers provocateur. Il s’agit de mettre l’accent sur l’urgence d’un constat : une croissance infinie de la production et de la consommation matérielles ne saurait être tenable dans un monde fini. Mais derrière cette idée de décroissance, il y a plus qu’une provocation. Une réflexion et une pensée sont en effet en cours d’élaboration. Dans un travail de recherche collectif, portant tout autant sur l’économie que sur la philosophie, l’histoire ou la sociologie, des intellectuels et des universitaires un peu partout dans le monde entreprennent de mettre au jour les principes et les contours de la société d’abondance frugale qu’ils appellent de leurs vœux. La collection […] a pour ambition de donner une visibilité à cette réflexion en cours. À travers la présentation de certaines figures de la pensée humaine et de leurs écrits, elle prétend, en quelque sorte, faire émerger une nouvelle histoire des idées susceptibles d’étayer et d’enrichir la pensée de la décroissance. Elle fournira ainsi à un large public aussi bien qu’au lecteur averti un état des lieux du travail en cours, en même temps qu’un répertoire commun de références parfois vieilles comme l’humanité, mais exposées ici sous un nouveau jour. Une collection qui veut montrer que la notion de décroissance est très éloignée de sa caricature – un tissu d’élucubrations de quelques arriérés sectaires désireux d’en “revenir à la bougie”. Une collection qui souhaite surtout contribuer au développement de l’un des rares courants de pensée capable de faire pièce à l’idéologie productiviste qui structure, aujourd’hui, nos sociétés. »
Chaque volume est au format 110/170 ; il comporte une centaine de pages pour 8 euros. Il comprend, sur le même modèle et dans les mêmes proportions, une introduction d’un chercheur contemporain, suivie d’extraits de textes de l’auteur, traité sous l’angle de son apport à la décroissance. La collection comprend à ce jour douze titres. Les six premiers auteurs abordés (Jacques Ellul, Épicure, Charles Fourier, Lanza del Vasto, Léon Tolstoï et Jean Giono) ont fait ici même l’objet d’une recension en lien avec la remise des grands projets inutiles qui, depuis le drame de Sivens et la contestation du projet de Center Parcs de Roybon, dans l’Isère, font depuis des mois la une de l’actualité, parallèlement à la contestation du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Les derniers titres sont consacrés à l’écologiste libertaire américain Murray Bookchin et au philosophe grec Diogène. Les deux prochains à paraître reviendront sur Lewis Mumford (par Thierry Paquot) et Theodore Roszak (par Mohammed Taleb). Parmi ceux à venir, sont prévus Georges Bernanos, Élisée Reclus, John Stuart Mill, Françoise d’Eaubonne…
Les auteurs les plus attendus sur la décroissance (Ellul, Castoriadis, André Gorz) n’ont pas eu de peine à trouver leur public avec des ventes comprises entre 1 500 et 2 000 exemplaires, en particulier quand Serge Latouche en a été le présentateur (Ellul, Castoriadis). Parmi les classiques, Lao-tseu et Épicure tirent leur épingle du jeu, un peu en dessous des premiers (environ 1 000). Les auteurs les plus éloignés a priori de l’idée de décroissance (Tolstoï, Fourier, Giono) ont plus de mal à percer, malgré l’intérêt de leur relecture à cette aune…
La force de la collection réside dans son adéquation avec les attentes du public en matière de pistes de réflexion sur des courants de pensée ignorés ou méconnus pour penser la critique du capitalisme dans un format concis et accessible.
Terminons avec Libertalia fondée en 2007 dans la mouvance libertaire. « À boulets rouges » a été créée l’année suivante comme une collection d’agit-prop. À ce jour, elle compte quinze titres. Les livres sont au format 165/110 (poche), cousus en cahiers de 16 ou de 32 pages sur papier Munken crème. La pagination ne peut excéder 200 pages et le prix de vente est inférieur ou égal à 8 euros. La charte graphique est visuellement agressive. Inaugurée avec les Propos d’un agitateur de l’anarchiste mexicain Ricardo Florès Magon, elle s’est poursuivie avec, entre autres, le Manuel du guérillero urbain de Carlos Marighela, La Terrorisation démocratique de Claude Guillon, Même pas drôle (sur la lamentable dérive de Philippe Val, de Charlie Hebdo à Sarkozy) et Éditocrates sous perfusion de Sébastien Fontenelle, Les Marchands de peur de Mathieu Rigouste sur les promoteurs de l’idéologie sécuritaire autour d’Alain Bauer, ou Les Prédateurs du béton de Nicolas de La Casinière sur la multinationale Vinci. Plusieurs ouvrages ont été portés par des collectifs (La Force du collectif, entretiens avec Charles Piaget ; Feu au centre de rétention ; Manifeste des chômeurs heureux). Dans ce cas, les bénéfices ou les nombreux exemplaires vendus directement ont pour objet de nourrir les luttes, intellectuellement et financièrement. Libertalia publie en moyenne deux titres par an dans cette collection, parfois trois. Les prochains à paraître en 2015 seront Lire la première phrase du Capital (John Holloway) ; Face à la justice, face à la police, un guide juridique écrit par un collectif antirépression qui reprend en une version revue et actualisée le livre paru en 2007 aux éditions de l’Altiplano. Enfin, en septembre 2015, paraîtra une petite enquête de Nicolas de la Casinière sur les PPP (Partenariats public-privé). Les tirages initiaux sont compris entre 1 500 et 3 000 exemplaires. Certains titres, comme Feu au centre de rétention, Les Marchands de peur, Manuel du guérillero urbain ont été réimprimés (trois fois dans le cas de Feu au centre de rétention). D’autres, comme Propos d’un agitateur (Ricardo Flores Magon) ou Les Prédateurs du béton sont en passe de l’être. Cette collection est diffusée dans les circuits classiques (librairies) comme dans des lieux plus militants (manifestations de rue, concerts, squats, infoshops…).
Ces trois collections d’intervention au format poche attestent de la vitalité de l’édition indépendante et de sa capacité à proposer de vrais petits ouvrages pour un large public dans des domaines très différents. Qu’il s’agisse de donner un nouvel éclairage sur de grands événements de l’histoire contemporaine, mettre à jour des idées méconnues ou oubliées rompant avec la logique productiviste du capitalisme ou proposer des petits brûlots sur des questions cruciales d’actualité, elle réussit le pari de s’adresser à un public qui dépasse, semble-t-il, ses réseaux habituels, en espérant qu’elle puisse élargir encore le cercle de ses lecteurs et toucher enfin le plus grand nombre auquel la plupart de ces livres sont destinés.
Louis Sarlin