Le blog des éditions Libertalia

Mutineries, sur lundimatin

lundi 5 décembre 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié sur le site lundimatin, le 5 décembre 2022.

À bord des vaisseaux insurgés, 1789-1802
Note de lecture

Les camarades et ami·e·s de Libertalia entretiennent un rapport particulier à la mer, aux marins et à la lutte des classes.

Le choix du nom de leur maison d’édition devrait nous renseigner suffisamment à ce sujet : en effet, « Libertalia » avant d’être l’un des titres publiés par ladite maison, fut le nom attribué par son auteur, Daniel Defoe, à une « utopie pirate » installée à la fin du XVIIe siècle au nord de Madagascar. « Le mythe de Libertalia, utopie pirate en actes, est resté une source inépuisable d’inspiration parmi la gauche libertaire », écrivait le regretté David Graeber en préface à ses Pirates des Lumières, ajoutant : « La possibilité de faire paraître ce livre chez un éditeur nommé Libertalia était trop tentante pour que j’y résiste. » Et non seulement il y avait le nom, mais encore le fonds : en effet, Libertalia avait déjà publié, avant Graeber, les sommes de Marcus Rediker, Pirates de tous les pays et Les Forçats de la mer. Ce dernier titre nous rapproche de notre lecture d’aujourd’hui, puisqu’il s’intéresse aux marins en général, et pas seulement aux pirates. Niklas Frykman s’inscrit complètement dans la continuité de son « ami camarade et mentor, Marcus Rediker », en ce qu’il considère, comme lui, que les marins des XVIIe et XVIIIe siècles, soit la période de mondialisation du capitalisme autrement nommée avènement de la modernité, « étaient de simples prolétaires partant en mer, issus du premier groupe important de travailleurs ayant vendu leur force de travail aux capitalistes marchands ». Ces marins furent « au centre des conflits de classe qui ont émergé entre le capital et le travail à partir du XVIIIe siècle […]. Ils ont inventé la grève, qui deviendra l’une des armes les plus importantes du prolétariat mondial. Les marins ont également relié diverses catégories de producteurs – esclaves, domestiques, artisans et autres travailleurs – et leurs luttes à travers l’espace et le temps. Même le drapeau rouge du socialisme et du communisme était au départ un symbole maritime, utilisé par les pirates et la flotte dans les batailles pour signifier qu’aucun quartier ne serait fait ou accepté au cours de l’assaut, que ce serait un combat à mort. » Un irréductible antagonisme de classes, donc, qui se donne à voir dans l’une des ses formes les plus pures au cours des mutineries qui eurent lieu « à bord des vaisseaux insurgés » entre 1789 et 1802. J’avoue que jusqu’ici, j’avais moi aussi une vision quelque peu « romantique » et « condescendante » des gens de mer de cette époque, les considérant « comme une version désuète, fascinante, exotique et excentrique de “l’Autre” » et, partant, « comme des acteurs historiques sans importance ». J’avais tort. J’aurais pourtant dû me rendre compte que la naissance et l’expansion fulgurante du capitalisme marchand reposaient en très grande partie sur le « commerce triangulaire », soit l’exportation de marchandises depuis la métropole vers les côtes de l’Afrique où l’on raflait des esclaves, lesquels étaient déportés vers les « îles à sucre » où ils étaient débarqués, le sucre, le café et autres épices et denrées coloniales venant les remplacer dans les cales des navires de retour vers les ports « négriers » de l’Europe occidentale. Cette première mondialisation reposait donc sur les épaules des matelots, lesquels étaient exploités sans vergogne par les armateurs et les compagnies de commerce des Indes orientales et occidentales. Compagnies françaises, anglaises et hollandaises avant tout, sans oublier les espagnoles. Mais la dureté des conditions de travail à bord des navires marchands n’était rien, semble-t-il, à côté de celle qui régnait sur les navires de guerre, dont le nombre augmenta sans cesse au cours du XVIIIe siècle, en même temps que les échanges commerciaux entre les métropoles et leurs colonies, qu’il fallait protéger contre les puissances impérialistes rivales. Au début des années 1790, alors que la guerre reprenait entre la France en révolution et les forces d’Ancien Régime principalement représentées, sur mer, par la Royal Navy britannique, « les flottes européennes totalisaient ensemble 600 vaisseaux de ligne de bataille, presque autant de frégates et près de 2 000 corvettes, bricks, avisos et autres navires de moindre dimension. Tous ces navires embarquaient plus de 6 000 canons, soit dix fois la quantité de pièces d’artillerie alors en usage dans l’ensemble des armées de terre du continent, et approximativement 350 000 hommes d’équipage, équivalant à presque toute la main-d’œuvre maritime qualifiée des pays riverains de l’Atlantique nord. » D’où un premier problème, celui du recrutement des marins. La plupart d’entre eux répugnaient à servir dans la marine de guerre car non seulement ils y étaient moins bien payés que dans la marine marchande, mais encore et surtout, les navires de guerre de l’époque s’apparentaient à des bagnes flottants pour les simples matelots (à quoi il fallait ajouter l’éventualité de mourir dans un combat naval). C’est pourquoi les Amirautés n’hésitaient pas à recourir à la force pour embarquer des matelots. Ainsi La Royal Navy avait-elle systématiquement recours, avec l’aval du Conseil privé du souverain britannique, à ce que l’on appelait des press gangs qui, en cas de besoin, « déferlaient […] sur les villes portuaires et les rades, enlevant sans aménité tous les marins sur lesquels ils pouvaient mettre la main pour les conduire sur les vaisseaux de Sa Majesté en manque de personnel qualifié » (p. 39). Frykman cite un témoin de l’époque, un officier de la marine suédoise en escale près de Douvres :

« Cela fonctionne ainsi. Quand un navire marchand jette l’ancre, on envoie un sloop transportant des hommes en armes, qui prennent tous les marins les plus utiles. […] Ces malchanceux sont aussitôt emmenés sur un vaisseau de guerre et, même s’ils sont restés longtemps éloignés de chez eux et de leurs proches, ils ne seront plus jamais autorisés à poser un pied sur la terre ferme. » (p. 39)

Cette pratique du recrutement forcé provoquait de nombreuses échauffourées, souvent extrêmement violentes et entraînant des morts d’hommes. En fait, il y avait suffisamment de marins en temps de paix – principalement dans la marine marchande. Mais dès que la guerre éclatait, la demande en hommes doublait car, tout en assurant le fonctionnement des vaisseaux de guerre, à bord desquels pouvaient travailler, selon leur taille, jusqu’à plusieurs centaines d’hommes, il n’était pas question d’abandonner le commerce maritime qui était à l’origine de la puissance du Royaume-Uni.
Il ne faut pas chercher bien loin les causes de la difficulté du recrutement : il s’agissait véritablement d’un travail de « galérien » (même si les galères en tant que telles avaient disparu depuis un certain temps déjà). « Tout individu qui montait pour la première fois à bord d’un vaisseau de guerre était saisi d’un profond ébahissement. Quel que fût le cours de son existence auparavant – qu’il fût un philosophe de la classe moyenne ou un marin expérimenté, un paysan sans terre ou un artisan au chômage –, il ne s’était encore jamais trouvé dans un environnement aussi artificiel et aussi peu familier. Ce n’était en effet que très rarement, au XVIIIe siècle, que des centaines d’hommes travaillaient ensemble en un espace clos. Il était encore plus rare de voir autant d’êtres humains coordonner leurs tâches pour faire marcher une seule machine, comme c’était le cas à bord d’un grand navire de combat. À l’époque, très peu de gens avaient fait l’expérience de la discipline du travail industriel. C’est à peine si la masse du peuple concevait que l’horloge puisse avoir un rapport avec les horaires de travail. Mais en rejoignant l’équipage d’un vaisseau de guerre, les nouvelles recrues se retrouvaient subitement plongées dans une société de masse microcosmique, où des centaines d’homme travaillaient sans relâche, sous la surveillance constante des officiers. […] Les hiérarchies étaient strictement définies et imposées avec brutalité. Le pouvoir formel se concentrait tout entier dans la personne du capitaine, dont l’autorité à bord ne connaissait pas de limites et était répercutée par le corps des officiers sur le reste de l’équipage, les matelots du pont inférieur. » (p. 56-57)
Sur ces vaisseaux, on embarquait beaucoup plus d’hommes qu’il n’aurait été nécessaire pour en assurer simplement la manœuvre : c’est qu’il fallait du monde pour servir les pièces d’artillerie pendant les batailles (lesquelles se terminaient la plupart du temps en immondes boucheries, des centaines d’hommes étant tués ou mutilés par les canons ennemis qui visaient au ras du pont, « dans le tas »). Que faire pour tenir tranquilles tous ces surnuméraires ? Eh bien, on s’organisait pour les faire bosser dur, et tout le temps : « La journée de travail, sur un navire de guerre britannique, commençait à 4 heures du matin, lorsqu’une des deux équipes de quart recevait l’ordre de briquer le pont, l’une des activités les plus pénibles à bord. “Ici les hommes souffrent d’être obligés de s’agenouiller sur le pont trempé, où a été répandu un sable graveleux. Pour accomplir cette tâche, ils doivent se mettre à genoux nus pour frotter le pont avec une pierre et ce sable, qui souvent les blesse cruellement.” Ce travail se poursuivait pendant trois heures et demie, jusqu’au petit-déjeuner, après quoi l’autre équipe se mettait à briquer le pont à son tour. » (p. 60)
Frykman cite le lieutenant Thomas Hodgskin qui expliquait que les capitaines cherchaient à occuper sans cesse leurs hommes, « tant ils craignaient que l’oisiveté puisse mener à la réflexion », laquelle aurait pu les conduire à « comparer leur situation à celle de leurs compatriotes ou à ce qu’ils avaient été avant », et les inciter « à se venger de l’oppression qu’ils subissaient » (p. 61).
Mais bien sûr, le travail seul n’aurait pas suffi à maintenir la discipline : « un “système universel de terreur” prévalait à bord » (p. 63-64). Les châtiments variaient d’une marine de guerre à l’autre, mais partageaient tous une férocité sans nom : « isolement cellulaire, travaux forcés, mise au pilori, bain forcé, marquage au fer rouge, langue arrachée, main coupée, immersion par-dessous la quille (supplice nommé “grande cale”), bouline, flagellation répétée sur chaque vaisseau de la flotte, pendaison, suspension jusqu’à la mort à un gibet pour l’exemple, noyade, décapitation, décimation, arquebusade et supplice de la roue… La plupart de ces punitions étaient rarement appliquées, mais, dans la marine britannique notamment, la pendaison et la flagellation répétée (pouvant atteindre jusqu’à 800 coups de chat-à-neuf-queues) étaient assez courantes […] » (p. 65).
David Graeber a résumé cette situation en soutenant que « la discipline moderne de l’usine est née dans les plantations et sur les navires. Plus tard, les premiers industriels adoptèrent ces méthodes consistant à transformer les êtres humains en machines, dans les fabriques de Birmingham et Manchester. »
Malgré ces conditions effrayantes (ou à cause d’elles, peut-être), les marines de guerre connurent relativement peu de mutineries avant la période étudiée par Frykman (leur nombre a probablement été sous-estimé car certaines d’entre elles furent sauvagement réprimées sans pour autant être documentées – il en allait aussi de la réputation des officiers auprès de l’Amirauté : une mutinerie à bord du vaisseau dont ils avaient la responsabilité n’était jamais un bon point pour eux).La manière la plus courante de résister à cette terreur était d’y échapper en désertant – ainsi que le firent, « selon les calculs de l’amiral Nelson, quelque 42 000 matelots […] entre 1793 et 1802 » (p. 78), et ce alors que le total des effectifs de la marine du Royaume-Uni s’élevait à 120 000 hommes. Et les chiffres étaient plus élevés encore dans les marines française et hollandaise, avant tout parce que le blocus continental britannique contraignait les navires à rester à quai, ce qui facilitait d’autant les désertions.
C’est probablement la Révolution française qui mit le feu aux poudres. Le 1er décembre 1789, Toulon, son port et son arsenal entraient en insurrection. Pierre-Victor Malouët, l’intendant de la Marine à l’arsenal, une sorte de super PDG du chantier naval, lequel, sous sa direction, avait été à la pointe, avec Brest et Rochefort, de l’effort d’investissement dans la marine de guerre qui avait porté la flotte française au même niveau que la Royal Navy, soit la superpuissance maritime de l’époque, avait déjà quitté ses fonctions pour devenir député à la Constituante. Mais la réduction des salaires des matelots et des ouvriers de l’arsenal qu’il avait mise en œuvre depuis une décennie, grâce à une politique de privatisation et de sous-traitance à des entrepreneurs privés (ça ne vous rappelle rien ?), combinée à la quasi-faillite de l’État fin 1788, aggravée par un hiver 1788-1789 exceptionnellement rigoureux, amenèrent une situation explosive dans la rade de Toulon (où la moitié de la population adulte masculine travaillait à l’arsenal). Déjà en mars 1789 se produisit une « émeute frumentaire » (afin d’obtenir du blé – et donc du pain). Dès le mois d’août se formait une garde nationale arborant la cocarde tricolore et intégrant des ouvriers et des artisans. « La classe ouvrière toulonnaise, jusque-là plutôt docile, s’affirmait comme une formidable force révolutionnaire. Après avoir dominé la vie politique de la ville pendant près de trois siècles, le corps des officiers de marine se retrouvait brusquement en plein territoire hostile. » (p. 87-88) La journée du 1er décembre fut le résultat d’une tentative du commandant du port militaire d’opposer les artilleurs de marine qu’il commandait à la garde nationale. Mais non seulement les « canonniers-matelots », fraternisant avec les gardes nationaux, refusèrent de lui obéir, mais ils l’arrêtèrent et avec lui plusieurs autres officiers de haut rang. Avec cette mutinerie, « c’était la masse des sans-grade de la marine française, la deuxième du monde par sa puissance de feu et ses effectifs, qui rejoignait ainsi le camp de la Révolution » (p. 88).
Un vent de panique souffla parmi les officiers de marine de tous les ports français, mais aussi (et surtout) parmi les planteurs esclavagistes des colonies. En effet, l’Empire colonial français dépendait entièrement de la docilité des matelots de la « Royale » qui devaient protéger leur lucratif commerce triangulaire… Et Pierre-Victor Malouët était mieux placé que quiconque pour le savoir : car il était lui aussi un de ces négriers, planteur de canne à sucre à Saint-Domingue, la « perle des Antilles », la plus riche des colonies de l’époque. Quand la nouvelle de l’insurrection toulonnaise arriva à l’Assemblée constituante, voici ce qu’il déclara devant ses collègues députés : « Messieurs, après les détails que vous venez d’entendre, nous sommes tous fondés à nous demander ce qu’est devenu le gouvernement, l’autorité des lois, et sur quels fondements repose la liberté publique, et qui commande enfin dans cet empire. » (p. 90, c’est moi qui souligne). On voit bien ce qui était en jeu : dans le discours du négrier, il s’agissait du commandement général, du gouvernement en somme, capable de garantir le bon fonctionnement des affaires en protégeant la propriété, y compris celle des esclaves. Mais lors de chaque mutinerie sur un ou plusieurs navires, c’était le même principe qui était en jeu, comme il l’était lors des révoltes d’esclaves dans les plantations, comme il le fut lors de la révolution en Haïti – et l’on comprend alors pourquoi , dans chacune de ces situations, les défenseurs de l’ordre établi se montrèrent aussi impitoyables lorsqu’ils parvenaient à prendre le dessus sur les insurgés – et même lorsqu’ils n’y parvenaient pas : voir comment les États français puis américain, et les banques des mêmes États, ont fait si chèrement payer son émancipation au peuple haïtien depuis plus de deux siècles – ces gens- là n’oublient jamais rien, et ils ont la rancune tenace.
Tout un chapitre de Mutineries est consacré aux péripéties des matelots français pris entre les exigences du parti colonial, qui voulait les enrôler dans sa lutte contre les esclaves révoltés, et celles de la Révolution, qui se montra tout aussi dure envers eux que l’avait été l’Ancien Régime.
Pendant ce temps, se développait dans la Royal Navy un mouvement d’abord simplement revendicatif (de type « syndicaliste » avant la lettre) puis carrément politique, avant de tourner, après les répressions toujours aussi atroces des précédents mouvements, à une sorte d’action directe ultra-violente contre les officiers (cette dernière se terminant elle aussi par l’écrasement des mutins au moyen des mêmes méthodes terroristes qui avaient dès longtemps fait leurs preuves). Trois chapitres du livre sont consacrés à ces différentes phases, sur lesquelles je ne m’attarderai pas en détail : j’en dirais trop ou pas assez, mais forcément mal. Si vous vous intéressez à l’histoire des révoltes et de la lutte des classes, alors il faut absolument lire ce livre. Vous y apprendrez qu’au cours de l’année 1797, une énorme mutinerie eut lieu dans la Royal Navy : « Au total, plus de 40 000 hommes travaillant sur une centaine de navires tinrent tête à leurs officiers et refusèrent de participer à la guerre pendant presque deux mois. » (p. 245) Comme cela avait déjà été le cas dans la flotte française, ils réclamaient avant tout, outre des augmentations substantielles de salaires et de meilleures conditions de vie, l’assouplissement, sinon l’abolition du régime disciplinaire qui faisait des navires de véritables bagnes flottants. Pendant les deux mois du mouvement, ils s’organisèrent en « conseils » et arborèrent le drapeau rouge en signe de détermination.
On lira dans le livre les détails de la répression. Les chefs militaires et leurs commanditaires capitalistes avaient eu peur. Ils s’organisèrent afin que cela ne se reproduise jamais : « Afin de contenir toute contagion de la mutinerie, les autorités britanniques s’efforcèrent d’empêcher les anciens mutins en fuite de rejoindre la marine marchande, espérant éviter ainsi qu’ils transmettent leur expérience aux “colonies lointaines”. L’Amirauté suggéra avec insistance aux membres influents du négoce maritime national de faire paraître “immédiatement et publiquement une résolution stipulant l’interdiction d’employer un marin qui, après une certaine période, ait persisté dans son état d’insubordination”. Peu après, la puissante Union des marchands, propriétaires de navires et autres personnes ayant des intérêts dans la navigation – à laquelle appartenaient le Premier ministre William Pitt, le président de la Compagnie des Indes orientales Hugh Inglis, le gouverneur de la Banque d’Angleterre Thomas Raikes, l’ancien président de la Société des marchands des Antilles britanniques et de la Compagnie des docks de Londres Richard Neaves, ainsi que quarante-six autres influents personnages de haut rang – répondit à cet appel du pied en proclamant publiquement : “Dorénavant, aucun marin ne pouvant présenter un certificat provenant de son ancien commandant, attestant d’une conduite obéissante et disciplinée, ne pourra être employé au service des signataires.” En outre, ils décidèrent de “créer un fonds, basé sur une souscription volontaire […] et ayant pour but de débusquer et de traduire en justice les traîtres tapis dans l’ombre qui ont fomenté et attisé la mutinerie […] » (p. 293-294)
Une fois de plus, je n’ai donné qu’un faible aperçu de ce livre, et accordé peut-être trop de place au point de vue de l’ennemi de classe… C’est parce qu’il donne, par contraste, une bonne idée, me semble-t-il, de la puissance de ces mutineries et de leur enjeu, ni plus ni moins que le renversement des exploiteurs. Si vous voulez en savoir plus sur l’organisation des mutins, sur leurs revendications, sur leur usage du drapeau rouge, alors lisez Niklas Frykman, cela vaut le détour.

Franz Himmelbauer (pour Antiopées)

Brève histoire de la concentration dans le monde du livre dans Télérama

vendredi 2 décembre 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Télérama, le 30 novembre 2022.

Comment le capitalisme a fait du livre une marchandise comme une autre

Deux essais offensifs dénoncent l’emprise du capitalisme financiarisé sur le monde du livre. L’un, signé Jean-Yves Mollier, retrace l’histoire de la concentration dans l’édition ; l’autre, d’Hélène Ling et Inès Sol Salas, analyse ses effets sur l’écriture et la lecture.

Le XXᵉ siècle aura vu triompher l’édition sans éditeurs ; le XXIᵉ sera peut-être celui de la littérature sans lecteurs. Le premier a légué une surproduction de livres (20 252 nouveautés en 1990 ; 43 600 en 2014) publiés par un nombre de plus en petit d’acteurs. Le second entérine un déclin continu de la lecture : 73 % des Français avaient lu au moins un livre en 1988 ; ils n’étaient plus que 62 % en 2018. Cette situation, deux récents essais, l’un cosigné par les autrices Hélène Ling et Inès Sol Salas, et l’autre de l’historien de l’édition Jean-Yves Mollier, se proposent de l’analyser à travers un prisme : l’emprise du capitalisme sur le monde du livre.
« À l’édition sans éditeurs, aux auteurs démultipliés à l’infini, répond en un écho si loin si proche le spectre d’une littérature sans lecteurs », s’alarment les premières dans le très engagé Le Fétiche et la Plume (éd. Rivages). L’édition sans éditeurs : la formule renvoie au titre d’un célèbre pamphlet d’André Schiffrin (éd. La Fabrique), où l’éditeur franco-américain craignait de voir la logique financière écraser la France. « Il y a quelques années, il existait un grand nombre de maisons d’édition en Amérique. […] 80 % des livres actuellement publiés proviennent des cinq conglomérats qui contrôlent l’essentiel de l’édition aux États-Unis. » Son avertissement date de 1999. Depuis, rien ne l’infirme.
Quatre groupes possèdent aujourd’hui l’essentiel de la chaîne du livre : Madrigall (Gallimard, Flammarion, Denoël, P.O.L, La Table ronde…), Média-Participations (Seuil, La Martinière, L’Olivier, Métailié…) et les deux mastodontes de Vincent Bolloré, Hachette (Grasset, Fayard, Stock, JC Lattès, Calmann-Lévy, Le Livre de poche…) et Editis (Plon, Pocket, 10/18, Bouquins, Julliard, L’Archipel, La Découverte…), qu’il entend céder pour conserver Hachette. Cette énumération vous donne le vertige ? Courez lire la Brève Histoire de la concentration dans le milieu de l’édition (éd. Libertalia). En cent cinquante pages, Jean-Yves Mollier raconte l’histoire de ces étranges constellations et montre que le phénomène « remonte à la seconde moitié du XIXᵉ siècle » mais « s’est considérablement renforcé après 1945, avant de changer de nature après 1980 ».

« Zone de turbulences »
Cette histoire est celle du capitalisme français, où l’on croise les grands noms de l’industrie (Lagardère, Bolloré, Messier) comme ses pires pratiques, en témoigne l’invraisemblable lobbying des Nouvelles Messageries de la presse parisienne (NMPP, aux mains d’Hachette) après guerre, qui a évité sa nationalisation en finançant les campagnes électorales. Peu à peu, la logique industrielle de concentration a laissé place, à la fin du XXᵉ siècle, à celle d’une course à la rentabilité, annoncée par Schiffrin, qui s’est notamment matérialisée par des rachats dans la diffusion et la distribution. Ces activités sont stratégiques, puisque le reste de l’édition en est captif : les indépendants doivent passer par ces acteurs. Et peuvent se faire éjecter, comme une dizaine d’éditeurs auxquels CDE (Madrigall) a demandé en 2019 de trouver un autre prestataire, provoquant « une zone de turbulences très dangereuse », dénonce Jean-Yves Mollier.

Youness Boussenna

Davaï ! sur Marsactu

vendredi 2 décembre 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié sur Marsactu le 14 novembre 2022.

Lola Miesseroff a de qui tenir pour avoir été rebelle toute sa vie. Membre du Front homosexuel d’action révolutionnaire, proche des anarchistes, elle a toujours été du côté des révoltés, naturistes ou situationnistes qui n’étaient pas des touristes. Dans cet ouvrage, elle raconte à qui elle le doit : aux femmes de sa famille, arméniennes ou russes juives et apatrides, et même marseillaises pendant la Seconde Guerre mondiale. Sa mère ne porta pas l’étoile jaune et ne se présenta pas aux autorités dans la zone sud en France. Pourtant, dénoncée, elle passa trois jours à la prison du boulevard Chave, aujourd’hui détruite, avant d’être libérée. Ses parents avaient émigré de Russie vers Paris en 1925. Mais ils ne se soucient guère de la judéité. Ils ne se rendent compte que lorsque l’extrême droite s’en prend à eux. Sa tante intègre un réseau de Résistance où elle rencontre son père qui lui rejoint les FTP des Alpes-de Haute-Provence. Cette biographie animée et joyeuse raconte dans un beau désordre les branches familiales d’une révolutionnaire atypique mais énergiquement libre.

Christophe Goby

Le jeu Antifa de retour à la Fnac dans Télérama

mercredi 30 novembre 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Télérama, le 30 novembre 2022.

Le jeu « Antifa » de retour à la Fnac : l’éditeur du jeu raconte un « terrifiant bad buzz »

Quarante-huit heures après l’avoir retiré de la vente à la suite de tweets d’un député RN et d’un syndicat policier qui pointaient sa prétendue violence, la Fnac a fait volte-face. L’éditeur du jeu, Nicolas Norrito, s’en félicite… mais surtout s’inquiète de ce dont cette lamentable histoire est le signe.

Le revirement est spectaculaire : alors que, dimanche, la Fnac avait précipitamment retiré de la vente Antifa, le jeu militant antifasciste, elle continuera finalement de le commercialiser. Pendant le week-end, des tweets du député du Rassemblement national Grégoire de Fournas (récemment sanctionné pour des propos racistes à l’Assemblée nationale), puis du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN), l’avaient interpellée sur le caractère prétendument « haineux » d’Antifa.

Mais mardi 29 novembre, en fin de journée, l’enseigne de biens culturels (qui n’a pas répondu favorablement à nos demandes d’interview) a expliqué dans un communiqué qu’après « avoir pris le temps d’analyser en profondeur le contenu du jeu », elle avait constaté qu’il ne « comportait rien de nature à justifier un refus de le commercialiser »… Rappelant au passage « l’esprit de liberté et de diversité » qui, selon elle, la caractérise. « N’aurait-elle pu commencer par procéder à ces vérifications avant de faire allégeance à l’extrême droite la plus crasse ? » demande Nicolas Norrito, fondateur de la librairie Libertalia, à Montreuil (93) et éditeur d’Antifa. De fait, le descriptif des règles du jeu qu’avait tweeté Grégoire de Fournas, sur lequel s’était basé le SCPN pour monter au créneau, puis la Fnac elle-même pour prendre sa décision, était, ni plus ni moins, faux… Une « fake news » caractérisée, estime Nicolas Norrito.

La Fnac vous a appelé mardi soir pour vous annoncer que deux jours après avoir décidé le retrait d’Antifa, elle revenait sur sa décision. Quelle a été votre réaction ?

C’est pour nous une victoire. Sans triomphalisme, mais tout de même : Grégoire de Fournas et le RN n’auront pas eu le dernier mot dans cette histoire hallucinante. Pour la Fnac, qui ne s’était jusque-là jamais donné la peine de nous contacter, ni même de répondre à Harmonia Mundi (le distributeur d’Antifa) malgré ses appels répétés, c’est au contraire un sacré fiasco, un terrifiant « bad buzz », à quelques semaines de Noël. J’aurais apprécié qu’elle nous présente des excuses, des regrets, ou ne serait-ce que des explications… Mais elle ne s’est en rien justifiée, hormis dans un communiqué laconique. Alors qu’il y a quelques jours encore elle recommandait Antifa sur son site Internet, le présentant comme un vrai jeu politique, elle a soudain perdu la boussole, voulant nous faire disparaître, nous, les pas « politiquement corrects », en portant allégeance à la droite la plus réactionnaire. Elle a perdu sur toute la ligne tandis que, de notre côté, nous sommes maintenant assaillis de demandes : une troisième édition d’Antifa doit être diffusée en janvier. La première, tirée à 4 000 exemplaires en octobre 2021, s’était déjà vendue en un mois, et la seconde est elle aussi désormais épuisée.

En quoi ce jeu a-t-il pu prêter le flanc aux attaques de ces députés RN et du SCPN ?

Il s’agit d’un jeu somme toute ordinaire, même s’il est idéologique, et forcément militant puisqu’il est le fruit d’années de militantisme bien réelles. Antifa est né d’une expérience de plus de vingt ans de luttes antifascistes, avec toutes les situations qui peuvent s’y présenter, déclinées en autant de situations de jeu : « Des ultraréacs organisent une manif homophobe « Un jeune du quartier des Mimosas tué par la police »« Une conférence négationniste est annoncée sur les réseaux »« Une salle de prière musulmane a été dégradée »« Des cathos tradis mobilisés contre l’IVG », etc. À ces situations, le joueur est invité à réagir, mais avec des moyens légaux à sa disposition : fabriquer une banderole pour une manif ou un rassemblement, utiliser les réseaux sociaux, organiser une réunion unitaire, prendre la parole dans une radio associative… En aucun cas il ne s’agit de « tabasser un militant de droite » ou de « lancer un cocktail Molotov sur les CRS », comme l’a écrit Grégoire de Fournas dans son tweet : une fake news caractérisée. Qu’il a d’ailleurs admise, reconnaissant qu’il n’avait jamais ouvert le jeu et prétendant que les gens n’avaient pas compris qu’il n’en faisait qu’une caricature, que son tweet se voulait « ironique » !
Le problème est que ni le SCPN, monté ensuite au créneau, ni la Fnac elle-même, qui leur a emboîté le pas en prenant finalement une décision aussi arbitraire, n’ont eux non plus pris la peine de vérifier si ces accusations correspondaient à la réalité. Tout comme Cyril Hanouna, lundi soir, dans TPMP, qui a fait voter son public, lui demandant s’il fallait ou non censurer Antifa : 77 % des gens se sont prononcés pour son interdiction, alors qu’ils ne l’avaient jamais ouvert, pas plus que lui ! Ignoble. Mais surtout, hallucinant. Ces assertions, à la fois définitives et fondées sur un vide sidéral, c’est cela qui est le plus terrifiant.

Qu’y voyez-vous au fond ?
Un signal alarmant. À la fois de la vacuité de notre société, agitée par des pitres répugnants, et de sa violence latente… qui peut très vite se débrider et l’emporter aveuglément, comme la décision de la Fnac l’a montré avant de rétropédaler aussi piteusement. Entendons-nous bien. Je ne suis pas moi-même un pacifiste. À la tête de ma librairie et de ma maison d’édition libertaires, je suis un activiste, dont les valeurs cardinales sont la liberté et l’émancipation. Mon panthéon intellectuel et militant, c’est l’Espagne antifasciste de 1936. Mais je ne fais pas n’importe quoi. Mon arme, ce ne sont pas les fake news, c’est le livre. Dont le jeu est une extension. J’ai beaucoup milité, manifesté, et aujourd’hui je veux armer les esprits, échanger, produire du débat. Dans cette histoire, on a finalement gagné, la situation s’est rétablie in extremis et on a sauvé l’essentiel. Mais jusqu’à quand ? Le vieux modèle social-démocrate ne cesse de se déliter, les idées nauséabondes continuent partout de progresser. Le danger fasciste, cette fois esquivé, n’a été, on peut le craindre, que différé.

La Fnac se soumet à la « cancel culture » d’extrême droite dans Libé

mercredi 30 novembre 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Libération, le 29 novembre 2022.

La Fnac se soumet à la « cancel culture » d’extrême droite et trahit ses valeurs

Sous la pression de la fachosphère, l’enseigne a retiré de la vente le jeu « Antifa », créé par les éditions Libertalia, au motif qu’il ferait l’apologie de la violence. Dans le même temps, on trouve toujours sur le site marchand des écrits racistes et antisémites de Renaud Camus ou Alain Soral…

Il aura suffi de quelques tweets de l’extrême droite, plus précisément une grosse fake news du désormais (et tristement) célèbre député Rassemblement national Grégoire de Fournas, dument relayée au sein de la fachosphère, pour que la Fnac se soumette, fissa. Et retire de son site marchand Antifa, le jeu, création militante des éditions Libertalia en collaboration avec le collectif La Horde, au motif fallacieux qu’il ferait l’apologie de la violence. Qu’il est navrant de voir un grand acteur culturel comme la Fnac céder ainsi face à une offensive aussi malhonnête que marginale. On se souvient que le slogan historique de l’enseigne culturelle créée par deux anciens trotskistes fut « Agitateur depuis 1954 » (jusqu’en 2004) avant de devenir il y a dix ans « On ne peut qu’adhérer ». Pour le coup, impossible d’adhérer à cette censure téléguidée par l’extrême droite.
Dans une publicité, la Fnac proclamait également : « Nous avons tous les livres. Vous avez toutes les libertés. » Un credo qu’elle applique jusqu’à l’extrême puisque sur son site on trouve sans problème des livres antisémites et conspirationnistes, notamment ceux d’auteurs condamnés pour leurs écrits comme Renaud Camus ou Alain Soral. Leur présence dans le catalogue de la Fnac rend d’autant plus absurde le retrait du jeu Antifa qui, lui, ne contrevient à aucune de nos lois et ne contient aucun appel à la haine ou à la violence (seule l’autodéfense est évoquée).

Sujet massif

Bien davantage que des jeux de société, ce sont le plus souvent des livres, mais aussi des pièces de théâtre ou des films qui sont l’objet de tentatives de censure. On glose beaucoup, parfois non sans raison mais toujours avec excès, sur la « cancel culture » qu’imposerait la pensée « woke » ou « décoloniale » à notre représentation, le plus souvent glorieuse, de l’histoire de France ou de notre société – Jean-Michel Blanquer n’hésitant pas à évoquer quand il était ministre de l’Education nationale « une profonde vague déstabilisatrice pour la civilisation ». Ce fut certes un cas isolé, mais on a par exemple trouvé absurde de retirer le mot « nègre » du titre du roman d’Agatha Christie, les Dix Petits Nègres. Certains débats autour de certaines statues ont pu aussi nous laisser perplexe.
Mais ces dernières années, la censure idéologique menée par l’extrême droite chaque fois qu’elle en a l’occasion, à partir d’éléments réels, fantasmés ou même inventés comme on le voit avec l’épisode de la Fnac, est un sujet autrement plus massif. Même si certaines demandes de censure ont aussi émané de la gauche ces dernières années, notamment aux États-Unis, la plupart des cas sont l’œuvre du camp conservateur en général, et trumpiste en particulier. La Floride, où sévit le gouverneur Ron DeSantis, nouvelle coqueluche des républicains dans la perspective de la présidentielle de 2024, est particulièrement touchée. Des livres jugés politiquement ou moralement incorrects, en premier lieu des manuels scolaires, sont de plus en plus souvent interdits. Et pour lutter contre ce phénomène outre-Atlantique, dont Eric Zemmour souhaiterait s’inspirer en France, des éditeurs, des bibliothécaires et des enseignants se sont d’ailleurs regroupés au sein du collectif Unite Against Book Bans.

La tyrannie « woke », un fantasme

Pour avoir une idée du phénomène, on peut se référer à une enquête de PEN America, organisation qui milite pour la liberté d’expression, citée par le journal canadien le Devoir : près de 1 600 livres ont été ciblés entre le 1er juillet 2021 et le 31 mars 2022 dans 86 districts scolaires états-uniens totalisant près de 2 900 écoles. Ces dernières années, dans une forme de maccarthysme contemporain, de grands noms de la littérature comme la Prix Nobel Toni Morrison, mais aussi Margaret Atwood ou Art Spiegelman ont été visés. Le cas de J.K. Rowling est plus complexe, puisque la créatrice d’Harry Potter a d’un côté été attaquée par des chrétiens traditionalistes dénonçant son apologie de la sorcellerie, mais aussi par une partie de la gauche pour des propos publics pas vraiment bienveillants à l’égard des personnes trans.
Qu’il s’agisse de republier Mein Kampf, avec un appareil critique massif, ou des manuscrits inédits de Céline, on ne peut pas dire qu’en France le temps soit à la censure pour des textes aux antipodes de la pensée censément progressiste. La tyrannie « woke » reste largement un fantasme et l’auteur Éric Zemmour, par exemple, dispose d’une tribune autrement plus puissante que la totalité des auteurs dits « décoloniaux ». Chacun a le droit de trouver opportun l’initiative de tel ou tel éditeur, mais la liberté reste la règle dans le respect de la loi et, au fond, c’est tant mieux. Avertir, encadrer, expliquer est une chose, interdire en est une autre. Dans le cas d’Antifa, le jeu, qui est autant symbolique de l’impact concret d’une fake news que de l’influence d’une croisade d’extrême droite dans le champ culturel, la Fnac – en plein bad buzz, et c’est bien fait pour elle – gagnerait à faire machine arrière en reconnaissant une erreur partie d’une manipulation. Sur le site de l’éditeur, le jeu s’est vendu comme des petits pains dans les heures qui ont suivi la décision de la Fnac. Sacré effet Streisand.

Jonathan Bouchet-Petersen