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jeudi 6 avril 2017 :: Permalien
Rares sont aujourd’hui les gens qui ne connaissent pas le nom d’Arthur. Souverain mythique de Camelot, il est à l’origine de nombreux romans de fantasy (mais pas que). Mais saviez-vous par exemple qu’Arthur a inspiré le mouvement du scoutisme, ou encore des groupes comme Led Zeppelin ? Loin de l’image parfois poussiéreuse que peut avoir la légende de la Table ronde, William Blanc nous livre ici un ouvrage qui montre qu’au contraire, la figure arthurienne est plus que jamais au cœur de notre imaginaire collectif.
Après quelques dizaines de pages qui nous permettent de recontextualiser l’évolution du mythe arthurien du Moyen Âge au XIXe siècle, on rentre dans le vif du sujet avec l’étude du roman de Mark Twain, Un Yankee du Connecticut à la cour du roi Arthur, paru en 1889. Cette œuvre satirique, censée marquer le passage de flambeau d’une vieille Angleterre victorienne à une jeune Amérique dynamique, a connu un grand succès, et a permis de remettre le personnage d’Arthur sur le devant de la scène culturelle. Cette idée de transmission de l’idéal arthurien du Royaume-Uni aux États-Unis se retrouve encore aujourd’hui dans la culture populaire (William Blanc présente l’exemple des films X-Men et de l’acteur Patrick Stewart). On découvre à travers ces pages la présence diffuse de l’arthuriana dans la culture américaine, notamment à travers la comédie musicale Camelot, et sa célèbre réplique : « Don’t let it be forgot / That once there was a spot / For one brief shining moment / That was known as Camelot ! » Camelot qui sera par la suite associé aux années Kennedy.
William Blanc dresse un large panorama de tout ce qui, directement ou indirectement, est influencé par la légende du Roi Arthur. Cinéma, littérature, jeux vidéo, politique, comics, jeux de rôle, musique, et bien d’autres domaines, sont encore aujourd’hui influencés par l’arthuriana. L’auteur aborde des œuvres connues des lecteurs de fantasy, comme par exemple les écrits de JRR Tolkien ou ceux de Marion Zimmer Bradley. Mais tout l’intérêt de l’ouvrage réside justement dans le fait qu’il nous fait découvrir des œuvres méconnues, ou des aspects arthuriens de certaines qui n’apparaissent pas de prime abord. Ainsi donc, on apprend que George Romero s’est fendu d’un Knightriders reprenant les codes arthuriens pour mieux dénoncer les travers de l’Amérique de son temps, que de nombreux super-héros ont déjà eu affaire à des incarnations de personnages issus du mythe de Camelot (voir s’y sont rendus), ou que Marlon Brando dans Apocalypse Now est une incarnation du Roi pêcheur.
Certains trouveront surement à redire sur quelques affirmations, mais l’érudition dont fait preuve William Blanc rend son propos crédible, d’autant plus que de nombreuses sources sont citées et que les notes de bas de pages explicatives foisonnent (sans jamais sortir le lecteur de son immersion, tant le texte est prenant).
Enfin, il convient de finir par quelques mots sur le livre en même. Richement illustré (84 illustrations diverses allant de la gravure médiévale à la planche de comics, en passant par les affiches ou les captures d’images de films), épais (576 pages), il est doté d’un index riche, qui permettra de s’y replonger aisément. À titre personnel, il va servir de base pour la construction de cours de français…
Si tout cela ne vous convint pas de foncer chez votre libraire, sachez qu’il ne vous en comptera que 20 €. Quand on voit le prix de certains ouvrages d’une qualité bien inférieure, on appréciera d’autant plus la démarche des éditions Libertalia.
Un ouvrage que tout amateur du mythe arthurien et de pop-culture se doit d’avoir lu !
Gilthanas
jeudi 6 avril 2017 :: Permalien
AAARG, n° 7, janvier-février 2017.
Alors que le tournage du film tiré de la série Kaamelott d’Alexandre Astier se prépare, l’historien William Blanc livre une somme passionnante sur la construction du mythe arthurien depuis ses origines jusqu’à aujourd’hui. Évoquée pour la première fois par le moine Nennius au IXe siècle, la légende a été développée par Geoffroy de Monmouth au XIe siècle avant d’être popularisée au XIIe et XIIIe siècle et transformée par l’idéal courtois des romans de Chrétien de Troyes par exemple. Il n’y a aucune preuve qu’Arthur n’ait jamais existé. Éclipsée à l’époque moderne, l’arthuriana revient en force à partir du XIXe siècle, en Angleterre, comme en Amérique, lorsque Mark Twain invente Hank Morgan, dans son roman Un Yankee du Connecticut à la cour du roi Arthur (1889), qui traduit par l’intrusion anachronique d’un Américain du futur la démocratisation d’un mythe et d’un idéal. Miroir des époques et des lieux, le mythe a servi de socle à l’univers de la fantasy ou au western puis submergé l’imaginaire contemporain à travers la littérature, la musique, le cinéma, les bandes dessinées ou encore les jeux vidéo. Depuis la création des scouts, la lutte contre les nazis, l’exploitation touristique de la légende au château de Tintagel ou encore dans la forêt de Brocéliande, au fil des siècles, la Table ronde s’ouvre comme par enchantement aux présidents américains, accueille les héros de Fitzgerald ou de Steinbeck, les bikers de Romero, le rappeur Jay Z. La fresque tourbillonne en références et cuisine la geste arthurienne à toutes les sauces, de la plus conservatrice à la plus subversive, comme dans la parodie des Monty Python. Les romans nationaux redessinent ainsi les contours de personnages transformés. Du souverain idéal au roi pêcheur, autour d’Arthur, Merlin le démoniaque devient le magicien pédagogue à l’image de Gandalf chez Tolkien, quand la revanche féministe redistribue les rôles de Morgane, Viviane ou Guenièvre. Les adaptations au Japon et le succès de Kaamelott en France témoignent encore de la vitalité d’un mythe devenu international, fondateur des paradigmes occidentaux dans sa version mondialisée. Édifiant.
Lucie Servin
jeudi 6 avril 2017 :: Permalien
Ce gros livre joliment illustré est l’œuvre d’un jeune historien spécialisé dans les représentations du Moyen Âge : William Blanc, qui anime le magazine en ligne Histoire et images médiévales, a consacré un ouvrage à Charles Martel et prend régulièrement la parole pour s’opposer aux réécritures abusives du « roman national ». Historique et politique, érudit, mais toujours accessible, c’est le ton de l’ouvrage, que j’ai dévoré d’une traite – l’arthuriana est un de mes sujets favoris –, et d’avoir déjà travaillé sur ces corpus m’a permis d’apprécier la valeur des chapitres consacrés plus particulièrement à la fantasy, comme celui sur les représentations genrées, sorcières ou femmes guerrières, ou encore celui sur « Excalibur. Merlin contre-attaque », qui étudie l’inflexion de la réception contemporaine de la légende arthurienne, plus axée sur le merveilleux. Sans viser une exhaustivité sans doute impossible à atteindre, l’ouvrage couvre tout de même un nombre d’exemples assez hallucinant, en particulier des films, des BD, des comics, et, de façon originale, puise aussi du côté de la musique populaire, chansons, albums, comme participant à une culture commune définissant une époque. Il permet au passage d’explorer des pans entiers d’histoire socioculturelle, sur plus d’un siècle, dans le monde anglophone surtout (Angleterre et États-Unis chaque fois distingués comme deux contextes bien différents), mais pas seulement. William Blanc rend chaque fois compte des œuvres à travers le message qu’elles portent et transmettent : il les replace dans leur histoire politique et sociale immédiate, et lit les évolutions de la matière arthurienne à cette aune. Si de mon point de vue littéraire c’est négliger un peu l’intertextualité (la façon dont les textes s’influencent les uns les autres, parfois à long terme), j’avoue que les analyses produites sont toujours très convaincantes ! Plus précieux encore, cet ouvrage m’a donné envie de revoir ou de dénicher moult merveilles et bizarreries, du KnightRiders de Romero et ses chevaliers-motards au Wizards de Ralph Bakshi (celui du dessin animé du Seigneur des anneaux) en passant, entre autres, par une trilogie de films espagnols sur des templiers-zombies – faites l’essai, vous y découvrirez sans aucun doute votre bonheur de curieux.
Anne Besson
jeudi 6 avril 2017 :: Permalien
Dans ZOO, n° 63 janvier-février 2017.
Dans un épais ouvrage, l’historien William Blanc revient sur la naissance du mythe du roi Arthur et de ses modulations successives. Il montre comment, depuis douze siècles, diverses factions ont pu l’accommoder. Constatant que le mythe a perduré grâce à sa récupération par l’imaginaire américain pour ensuite rayonner sur le globe entier, il analyse avec précision le rôle symbolique que joue la cour d’Arthur dans la culture populaire aux États-Unis. Cinéma, séries télé, pop musique et évidemment bandes dessinées, rien n’échappe à son esprit analytique et précis. Cette mise en perspective transversale et érudite, servie par un style alerte, s’avère stimulante pour tout curieux. Les amateurs de comics qui cherchent à approfondir leur passion devraient se jeter dessus.
Vladimir Lecointre
jeudi 6 avril 2017 :: Permalien
Dans Sciences Humaines, le 13 décembre 2016.
Ce livre questionne le succès persistant d’une légende populaire médiévale. Arthur, enfant illégitime caché du roi des Bretons, élevé parmi le peuple, devient roi le jour où il réussit à extraire l’épée magique plantée dans un roc, Excalibur. Aidé de l’enchanteur Merlin, il mène alors de nombreux combats pour conquérir le trône que de vieux rois lui refusent, se marie avec Guenièvre et établit la paix dans son royaume grâce aux chevaliers de la Table ronde. Mais le royaume est défait quand les chevaliers partent à la recherche du Graal, et que Lancelot avoue sa liaison avec Guenièvre. S’ensuit une guerre civile, où s’affrontent Arthur et le rusé Mordred, fils d’Arthur et de sa demi-sœur, Morgause, elle-même sœur de la fée Morgane. Mortellement blessé, Arthur s’exile au pays magique d’Avalon d’où il reviendra peut-être un jour.
Arthur n’a jamais existé : c’est un roi mythique, incarnant l’idéal de revanche des Gallois contre les armées anglo-saxonnes, mentionné pour la première fois au IXe siècle sous la plume du moine Nennius. Il prend sa véritable épaisseur au moment de la constitution du tissu légendaire gallois, entre les Xe et XIIe siècles. Le personnage est popularisé par les écrits d’un chanoine d’Oxford, Geoffroy de Monmouth, au Moyen Âge. À cette époque, les chevaliers arthuriens incarnent un idéal aristocratique.
Après une éclipse aux XVIIe et XVIIIe siècles, le mythe se diffuse dans la culture anglo-saxonne puis aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale. Il devient porteur d’un idéal démocratique : un jeune suit les conseils d’un vieux sage afin de gravir les échelons de la société. C’est le sujet de la BD Prince Vaillant, qui narre l’histoire d’un immigrant. Dans les années 1930-1940, les auteurs de comics transposent les figures arthuriennes dans des héros des classes populaires. Dans les années 1950, sous le maccarthysme, des films et séries télévisées mettant en scène Arthur affichent des tonalités anticommunistes. Un voyage fascinant dans l’histoire d’un mythe pluriséculaire s’adaptant aux valeurs des sociétés qu’il continue de hanter.
Régis Meyran