Le blog des éditions Libertalia

le Roi Arthur dans AAARG

jeudi 6 avril 2017 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

AAARG, n° 7, janvier-février 2017.

Arthur, la légende mondialisée

Alors que le tournage du film tiré de la série Kaamelott d’Alexandre Astier se prépare, l’historien William Blanc livre une somme passionnante sur la construction du mythe arthurien depuis ses origines jusqu’à aujourd’hui. Évoquée pour la première fois par le moine Nennius au IXe siècle, la légende a été développée par Geoffroy de Monmouth au XIe siècle avant d’être popularisée au XIIe et XIIIe siècle et transformée par l’idéal courtois des romans de Chrétien de Troyes par exemple. Il n’y a aucune preuve qu’Arthur n’ait jamais existé. Éclipsée à l’époque moderne, l’arthuriana revient en force à partir du XIXe siècle, en Angleterre, comme en Amérique, lorsque Mark Twain invente Hank Morgan, dans son roman Un Yankee du Connecticut à la cour du roi Arthur (1889), qui traduit par l’intrusion anachronique d’un Américain du futur la démocratisation d’un mythe et d’un idéal. Miroir des époques et des lieux, le mythe a servi de socle à l’univers de la fantasy ou au western puis submergé l’imaginaire contemporain à travers la littérature, la musique, le cinéma, les bandes dessinées ou encore les jeux vidéo. Depuis la création des scouts, la lutte contre les nazis, l’exploitation touristique de la légende au château de Tintagel ou encore dans la forêt de Brocéliande, au fil des siècles, la Table ronde s’ouvre comme par enchantement aux présidents américains, accueille les héros de Fitzgerald ou de Steinbeck, les bikers de Romero, le rappeur Jay Z. La fresque tourbillonne en références et cuisine la geste arthurienne à toutes les sauces, de la plus conservatrice à la plus subversive, comme dans la parodie des Monty Python. Les romans nationaux redessinent ainsi les contours de personnages transformés. Du souverain idéal au roi pêcheur, autour d’Arthur, Merlin le démoniaque devient le magicien pédagogue à l’image de Gandalf chez Tolkien, quand la revanche féministe redistribue les rôles de Morgane, Viviane ou Guenièvre. Les adaptations au Japon et le succès de Kaamelott en France témoignent encore de la vitalité d’un mythe devenu international, fondateur des paradigmes occidentaux dans sa version mondialisée. Édifiant.

Lucie Servin

Le Roi Arthur sur Actusf.com

jeudi 6 avril 2017 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Actusf.com, novembre 2016.

Ce gros livre joliment illustré est l’œuvre d’un jeune historien spécialisé dans les représentations du Moyen Âge : William Blanc, qui anime le magazine en ligne Histoire et images médiévales, a consacré un ouvrage à Charles Martel et prend régulièrement la parole pour s’opposer aux réécritures abusives du « roman national ». Historique et politique, érudit, mais toujours accessible, c’est le ton de l’ouvrage, que j’ai dévoré d’une traite – l’arthuriana est un de mes sujets favoris –, et d’avoir déjà travaillé sur ces corpus m’a permis d’apprécier la valeur des chapitres consacrés plus particulièrement à la fantasy, comme celui sur les représentations genrées, sorcières ou femmes guerrières, ou encore celui sur « Excalibur. Merlin contre-attaque », qui étudie l’inflexion de la réception contemporaine de la légende arthurienne, plus axée sur le merveilleux. Sans viser une exhaustivité sans doute impossible à atteindre, l’ouvrage couvre tout de même un nombre d’exemples assez hallucinant, en particulier des films, des BD, des comics, et, de façon originale, puise aussi du côté de la musique populaire, chansons, albums, comme participant à une culture commune définissant une époque. Il permet au passage d’explorer des pans entiers d’histoire socioculturelle, sur plus d’un siècle, dans le monde anglophone surtout (Angleterre et États-Unis chaque fois distingués comme deux contextes bien différents), mais pas seulement. William Blanc rend chaque fois compte des œuvres à travers le message qu’elles portent et transmettent : il les replace dans leur histoire politique et sociale immédiate, et lit les évolutions de la matière arthurienne à cette aune. Si de mon point de vue littéraire c’est négliger un peu l’intertextualité (la façon dont les textes s’influencent les uns les autres, parfois à long terme), j’avoue que les analyses produites sont toujours très convaincantes ! Plus précieux encore, cet ouvrage m’a donné envie de revoir ou de dénicher moult merveilles et bizarreries, du KnightRiders de Romero et ses chevaliers-motards au Wizards de Ralph Bakshi (celui du dessin animé du Seigneur des anneaux) en passant, entre autres, par une trilogie de films espagnols sur des templiers-zombies – faites l’essai, vous y découvrirez sans aucun doute votre bonheur de curieux.

Anne Besson

Le Roi Arthur dans ZOO

jeudi 6 avril 2017 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Dans ZOO, n° 63 janvier-février 2017.

« Un pavé dans le mythe. »

Dans un épais ouvrage, l’historien William Blanc revient sur la naissance du mythe du roi Arthur et de ses modulations successives. Il montre comment, depuis douze siècles, diverses factions ont pu l’accommoder. Constatant que le mythe a perduré grâce à sa récupération par l’imaginaire américain pour ensuite rayonner sur le globe entier, il analyse avec précision le rôle symbolique que joue la cour d’Arthur dans la culture populaire aux États-Unis. Cinéma, séries télé, pop musique et évidemment bandes dessinées, rien n’échappe à son esprit analytique et précis. Cette mise en perspective transversale et érudite, servie par un style alerte, s’avère stimulante pour tout curieux. Les amateurs de comics qui cherchent à approfondir leur passion devraient se jeter dessus.

Vladimir Lecointre

Le Roi Arthur dans Sciences Humaines

jeudi 6 avril 2017 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Dans Sciences Humaines, le 13 décembre 2016.

Ce livre questionne le succès persistant d’une légende populaire médiévale. Arthur, enfant illégitime caché du roi des Bretons, élevé parmi le peuple, devient roi le jour où il réussit à extraire l’épée magique plantée dans un roc, Excalibur. Aidé de l’enchanteur Merlin, il mène alors de nombreux combats pour conquérir le trône que de vieux rois lui refusent, se marie avec Guenièvre et établit la paix dans son royaume grâce aux chevaliers de la Table ronde. Mais le royaume est défait quand les chevaliers partent à la recherche du Graal, et que Lancelot avoue sa liaison avec Guenièvre. S’ensuit une guerre civile, où s’affrontent Arthur et le rusé Mordred, fils d’Arthur et de sa demi-sœur, Morgause, elle-même sœur de la fée Morgane. Mortellement blessé, Arthur s’exile au pays magique d’Avalon d’où il reviendra peut-être un jour.
Arthur n’a jamais existé : c’est un roi mythique, incarnant l’idéal de revanche des Gallois contre les armées anglo-saxonnes, mentionné pour la première fois au IXe siècle sous la plume du moine Nennius. Il prend sa véritable épaisseur au moment de la constitution du tissu légendaire gallois, entre les Xe et XIIe siècles. Le personnage est popularisé par les écrits d’un chanoine d’Oxford, Geoffroy de Monmouth, au Moyen Âge. À cette époque, les chevaliers arthuriens incarnent un idéal aristocratique.
Après une éclipse aux XVIIe et XVIIIe siècles, le mythe se diffuse dans la culture anglo-saxonne puis aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale. Il devient porteur d’un idéal démocratique : un jeune suit les conseils d’un vieux sage afin de gravir les échelons de la société. C’est le sujet de la BD Prince Vaillant, qui narre l’histoire d’un immigrant. Dans les années 1930-1940, les auteurs de comics transposent les figures arthuriennes dans des héros des classes populaires. Dans les années 1950, sous le maccarthysme, des films et séries télévisées mettant en scène Arthur affichent des tonalités anticommunistes. Un voyage fascinant dans l’histoire d’un mythe pluriséculaire s’adaptant aux valeurs des sociétés qu’il continue de hanter.

Régis Meyran

Le Roi Arthur sur Slate.fr

jeudi 6 avril 2017 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Sur Slate.fr, 13 décembre 2016

Le roi Arthur : sept siècles d’aventures, et pas une ride

Sept siècles, et pas une ride : c’est ainsi que se présente le roi Arthur dans le dernier livre de William Blanc, Le Roi Arthur, un mythe contemporain, qui retrace la façon dont le mythe arthurien a évolué au fil des siècles, depuis sa première formulation au tournant du XIIIe siècle jusqu’à l’actualité la plus récente. Dans la continuité de ses deux précédents ouvrages, qui s’intéressaient respectivement à la renaissance d’un « roman national » en France et au mythe de la bataille de Poitiers, il s’empare cette fois-ci d’un sujet pour le moins large : plusieurs siècles, plusieurs médias, plusieurs milliers de réécritures, dans une grande diversité de langues.
Trahissons d’emblée une partie du suspens : le pari, extrêmement ambitieux, est tenu. En un volume épais, mais richement illustré, et dans un style simple et accessible, William Blanc balaye une diversité étourdissante de sources : romans, bien sûr, mais aussi albums de musique, peintures, films et séries télé, jeux vidéo, de rôle et de plateau, comics, bandes dessinées et mangas. Certains noms sont attendus : T.H. White, Tennyson et Mark Twain, Richard Thorpe, Monty Python et Kaamelott. D’autres sont plus originaux : saviez-vous que derrière Luke Skywalker, Batman, Captain America, Buffy ou Harry Potter se cachent des ombres, plus ou moins retravaillées, de la légende arthurienne ?
Se faisant détective de l’imaginaire collectif, l’auteur traque le mythe arthurien et ses avatars à travers la fiction, bien entendu, mais aussi dans la vie quotidienne – et c’est l’un des grands mérites de ce livre que de rappeler ainsi que la frontière entre fiction et réalité est poreuse, et que les œuvres romanesques peuvent influencer en profondeur les réalités sociales, économiques et politiques. Et ce à toutes les échelles : ainsi croise-t-on par exemple un ancien esclave afro-américain installé en Floride qui, en 1897-1898, baptise ses deux fils « King Arthur » et « Lancelot ». À l’autre bout du spectre social, les années Kennedy sont couramment comparées au règne du roi Arthur, les deux mythes s’entrecroisant et se nourrissant mutuellement.

Lectures politiques d’Arthur

Car – et c’est probablement le leitmotiv de l’ouvrage– ces réécritures constantes de la légende arthurienne sont le plus souvent fortement chargées et connotées politiquement. Et ce dès l’origine du mythe : comme l’a bien montré Amaury Chauou, aux XIIIe et XIVe siècles, les rois Plantagenêt se servent de la figure d’Arthur pour nourrir le prestige de leur monarchie et leurs revendications territoriales sur le continent. Plusieurs siècles après, cette charge politique du mythe est toujours bien vivace : dans les années 1960, on voit par exemple apparaître sur les campus américains des badges réclamant « Gandalf for President », à un moment où Le Seigneur des anneaux de Tolkien, profondément influencé par la légende d’Arthur, est devenu un symbole du rejet de la modernité industrielle.
Comme l’a montré récemment Tommaso di Carpegna Falconieri, dans un essai capital et d’ailleurs bien utilisé dans Le Roi Arthur, un mythe contemporain, le Moyen Âge peut être récupéré dans tous les sens, pour servir toutes les idéologies et tous les combats. C’est très clairement le cas du mythe arthurien, et le livre rend justice à ces récupérations divergentes, voire conflictuelles. Dès 1893, William Forbush fonde les « Knights of the Round Table », une organisation de jeunesse qui anticipe le scoutisme. Quelques décennies plus tard, on croise sur les écrans de cinéma des chevaliers bikers (Knightriders de Romero) et un Tristan transgenre (Camelot 3000) ; Superman comme Iron-Man se rendent à la cour du roi Arthur ; Camelot devient le symbole du progrès et de l’espoir, associé dans les années Kennedy à la course aux étoiles, tout en étant dénoncé parodiquement comme une « maquette » par l’écuyer du roi Arthur dans le film des Monty Python.
Au fil des années et des auteurs, le mythe arthurien peut être récupéré pour délivrer un message antisoviétique, antitechnologique, écologique, conservateur, révolutionnaire, pour défendre les droits des minorités ou mettre en scène des femmes guerrières, pour nourrir le folklore breton et les revendications identitaires qui lui sont liées, etc. Dans le fleuve de ces multiples réinterprétations, William Blanc garde le cap en ne cessant d’interroger les identités sociales et politiques de ces auteurs, ainsi que leurs propres paysages mentaux : les œuvres ne se produisent pas toutes seules, elles sont toujours enracinées dans des contextes de production et de réception, au sujet desquels l’auteur propose des analyses souvent très pertinentes.

Les recompositions du mythe

Ce foisonnement d’interprétations peut donner le vertige, mais il n’empêche pas de dégager des éléments de fond. En particulier, on voit que la progressive acclimatation du mythe aux États-Unis participe d’une véritable translatio imperii : la jeune Amérique s’affirme comme l’héritière de la vieille Angleterre, et met en scène ce message politique à travers le couple vieux Merlin – jeune Arthur (ou jeune chevalier), que l’on retrouve dans Prince Valiant, dans le dessin animé de Disney, dans X-Men ou encore dans la série de « livres dont vous êtes le héros », La Quête du Graal. La lecture politique se double d’une lecture historique : comme le montrent Un Yankee à la cour du Roi Arthur de Mark Twain et ses nombreuses réécritures, l’Amérique contemporaine se définit par opposition à un Moyen Âge obscur et violent.
Très présent dans l’univers ludique, le monde arthurien se retrouve derrière des jeux de rôle, des jeux vidéo, des jeux de plateau : nous jouons à Arthur. Cela contribue à nous rapprocher du Moyen Âge, et il y a là une véritable continuité de pratiques : les seigneurs médiévaux aimaient en effet se déguiser en Chevaliers de la Table Ronde lors de grandes fêtes – on en a un exemple éloquent en 1223 à Chypre. La seule différence réside dans la popularisation actuelle du mythe – même si William Blanc sous-estime probablement la diffusion de la légende à l’époque médiévale : on sait en effet, par un célèbre exemplum de Césaire de Heisterbach, que les moines étaient friands des romans arthuriens.
Mais cette histoire de la transmission d’une légende n’est pas une histoire linéaire : la France, par exemple, oublie la figure arthurienne – alors même que les premiers romans arthuriens sont rédigés en ancien français – avant de la redécouvrir, dans les années 1950-1960, à travers une culture populaire américaine qui se mondialise peu à peu.
Dans l’autre sens, William Blanc en vient également à suggérer l’existence d’un mythe « merlinien », certes lié au mythe d’Arthur, mais qui semble prendre toute son indépendance, avec des avatars de Merlin un peu partout (Gandalf et Dumbledore, pour ne citer qu’eux) et des œuvres centrées uniquement sur lui. Cela pose la question, fascinante, de la capacité d’un mythe à en engendrer d’autres.

Le roi Arthur reviendra

En renonçant à un plan strictement chronologique pour préférer des chapitres thématiques, articulés autour des grands axes des réécritures – Merlin, les femmes, les super-héros, etc., – William Blanc évite de rigidifier son propos, même si cela amène à quelques répétitions. Les toutes premières pages, consacrées à la fabrique médiévale de la légende, sont peu originales – même si elles sont probablement nécessaires – alors que le dernier chapitre est quant à lui un peu court, presque expédié. Seules les « annexes » laissent sceptique : ajoutées à la fin des chapitres, elles approfondissent un point ou une œuvre, mais on ne comprend pas bien l’intérêt de les isoler ainsi de la trame générale du livre. Parfois un peu touffu, frôlant dans quelques passages le name-dropping, le livre reste cependant très clair et toujours passionnant.
En plus de proposer de belles analyses approfondies sur des œuvres peu connues du grand public francophone (Camelot 3 000 de Mike Barr ou Avalon de Oshii Mamoru), l’ouvrage peut même servir d’outil de travail, d’autant plus qu’il s’appuie sur un très grand nombre de travaux universitaires. Un détail qui n’en est pas un, et qui participe du projet politique des éditions Libertalia : de très nombreux articles sont disponibles en ligne, notamment sur le site Histoires et Images médiévales.
Comme l’auteur le reconnaît lui-même dans sa conclusion, il est impossible, sur un tel sujet, d’être exhaustif. Le lecteur, forcément, regrettera que ne soient pas abordées « ses » œuvres, celles qui ont contribué à construire « son roi Arthur » : William Blanc aurait ainsi pu évoquer les chansons celtisantes du groupe Manau, la belle réécriture du mythe arthurien proposée par Guy G. Kay dans The Fionavar Tapestry ou encore l’utilisation de la figure d’Arthur à des fins de critique politique que fait Stephen Lawhead dans son roman Avalon : The Return of King Arthur.
De même, rien n’est dit de la publicité, qui ne s’est jamais retenue d’utiliser la figure arthurienne pour vendre de la colle, du sopalin ou du cidre… Mais cela aurait probablement conduit à ajouter une centaine de pages à un livre déjà très dense : espérons simplement que, comme tout bon roman arthurien qui se respecte, il y aura des continuations.

Florian Besson