Le blog des éditions Libertalia

Véronique Decker, par ATD Quart Monde

jeudi 7 juillet 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Article paru sur le site de ATD Quart Monde, le 6 juillet 2016

Véronique Decker,
directrice d’école dans le 9-3

En fonction depuis 15 ans à Bobigny, elle raconte ses combats pour scolariser les enfants roms ou financer une classe de neige dans un livre personnel et attachant.

À 58 ans, après 31 ans passés essentiellement en Seine-Saint-Denis, Véronique Decker aurait bien aimé finir sa carrière à la campagne. « Je suis fatiguée, je ne tiens plus comme avant », confie-t-elle. Mais sa demande de mutation a été refusée.

Véronique Decker restera donc directrice de l’école élémentaire Marie-Curie de Bobigny. Sans rancune ni frustration. Elle est comme ça : combative, généreuse, portée par des convictions qui la font toujours aller de l’avant. « J’ai une belle vie, dit-elle, je n’ai pas toujours bien fait mais je n’ai jamais trahi mes idées. »

Véronique Decker est une figure du monde enseignant. Adepte de la pédagogie Freinet, c’est une directrice engagée en faveur des plus démunis, qui n’a pas peur de dénoncer haut et fort les manquements de l’école et les injustices qui se creusent. « Souvent on m’a dit : “Attention, ça va t’attirer des ennuis”, mais quand on est clair, on force le respect à la longue », assure cette petite femme au cheveu en bataille.

Modeste

« Je ne voulais pas partir sans rien dire » : alors qu’elle s’imagine quitter le 93 pour le fin fond de la Corrèze, Véronique Decker commence à écrire des billets pour un blog. Elle y raconte des scènes de son quotidien à Bobigny – bataille contre les poux, impuissance devant un enfant hyper agité, ouverture de l’école la nuit pour une famille rom qui, sinon, dormirait dans la rue… Après une dizaine de publications, l’éditeur Libertalia la contacte : il veut en faire un livre.

Aujourd’hui elle est invitée à en parler un peu partout en France – il a même fallu faire un retirage. Modeste, elle n’aurait jamais imaginé un tel succès.

Elle avance plusieurs explications qui la dépeignent bien : « C’est facile à lire. Je ne voulais pas prendre la tête ni donner des leçons. Les agents de service de mon école ont aimé et j’ai aussi été invitée à France Culture. C’est un récit incarné et j’ai ma liberté de ton : je ne répète pas ce que dit mon syndicat. Enfin, ça n’est pas triste à la différence de beaucoup de livres de profs parlant du 9-3. »

Sévère

Sur le fond, Véronique Decker porte un jugement sévère sur l’école aujourd’hui. « En créant des postes, le gouvernement socialiste a arrêté l’hémorragie entamée sous Nicolas Sarkozy, explique-t-elle, mais on est loin de la guérison. »

Dans le 93, alors que l’on supprimait des postes, la natalité a continué de croître. Résultat : il a fallu embaucher des instits contractuelles souvent peu ou pas formées. « La qualité de l’école publique s’est nettement dégradée », déplore Véronique Decker.

En même temps, reconnaît-elle, l’école ne peut pas tout. « Le grand problème en Seine-Saint-Denis, c’est la misère. Et elle a augmenté. Quand je suis arrivée, il n’y avait pas de bidonville, pas de mère dormant dans la rue avec un bébé. Or comment faire progresser des enfants vivant dans la précarité, qui n’ont pas de logement par exemple ? Pour avoir l’audace d’apprendre quelque chose de nouveau, il faut être en sécurité. »

Un jour, elle a vu pleurer une instit qui avait dû apprendre trois fois la même chose à un enfant : après chaque expulsion de son campement, traumatisé, il oubliait tout.

Les dernières réformes ne trouvent guère grâce à ses yeux. « Avec celle de l’éducation prioritaire, assène-t-elle, ce qui a augmenté, ce sont les primes des enseignants. Or c’est pris au détriment des enfants. Mon école, par exemple, n’a jamais retrouvé ses postes de Rased (maîtres spécialisés dans la difficulté scolaire). »

Bagarreuse

Véronique Decker n’a pas peur de dire des choses qui dérangent ni d’affronter l’institution. Pour comprendre, peut-être faut-il remonter à son enfance joyeuse et bagarreuse. Elle a grandi dans une petite ville de Lorraine au sein d’une famille nombreuse. « Avec mes trois frères, on se battait, on s’insultait, on criait. » Le père est plombier et les enfants font visiter la salle de bains aux copains qui souvent n’en ont pas.

De cette enfance, elle a gardé le goût du collectif. À l’école, elle aime l’esprit d’équipe. Avec la pédagogie Freinet, elle vante les valeurs de coopération, d’entraide et de solidarité que l’on transmet aux enfants.

À la rentrée, Véronique Decker reprendra le chemin de l’école Marie-Curie. Loin de la Corrèze mais avec le plaisir de retrouver des enfants. « Ils ont une immense fraîcheur, dit-elle, c’est émouvant d’être au contact de la génération qui vous survivra. » Un métier « rafraîchissant » qu’elle a toujours pratiqué avec passion, au point que ses fils lui reprochaient de ne pas être disponible pour eux le soir.

Ici ou là-bas, même si elle ressent l’usure, Véronique Decker ne renoncera pas : elle se bat pour un monde meilleur.

Véronique Soulé

les Fils de la nuit, dans Le Monde des livres

jeudi 7 juillet 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans les cahiers livres du Monde du 1er juillet 2016.

Un anarchiste dans la guerre d’Espagne

Il y a presque quatre-vingts ans, les 17 et 18 juillet 1936, les troupes des généraux Sanjurjo, Mola et Franco prenaient les armes contre la République espagnole. Leur coup de force inaugurait cette répétition générale du second conflit mondial qu’on a l’habitude d’appeler la « guerre d’Espagne » pour saisir la dimension révolutionnaire de la période, aujourd’hui mise en lumière par de singulières parutions.
Avec Les Fils de la nuit, on plonge en effet dans le quotidien du combat et de l’expérimentation libertaire, en Aragon et en Catalogne, aux côtés d’Antoine Gimenez. C’est sous ce nom qu’un anarchiste d’abord appelé Bruno Salvadori, « en marge de la société et du code pénal », Italien venu de France rejoindre la fameuse colonne Durruti aux abords de Saragosse, a mis par écrit dans les années 1970 un témoignage dense et passionné. Son texte intrigue et captive pour plusieurs raisons.
Il y relate son expérience de la guerre, des luttes sociales, mais aussi de la vie ordinaire bousculée par les combats dans les villages des bords de l’Ebre où vont cohabiter, des mois durant, paysans pauvres et volontaires de tous horizons. Rythmé et presque cinématographique dans son écriture, il fait alterner les descriptions saisissantes des embuscades et des coups de main, qui opposent son groupe aux « fascistes », avec des notations politiques ou même intimes et érotiques.
Comme pour conjurer la mort de ses camarades, tant de fois advenue dans ces pages, le narrateur multiplie les conquêtes féminines et les brèves aventures. Ces passages ne sont pas forcément les plus déliés (« Comme un fauve soulevant sa proie, je la soulevai pour l’emporter dans sa chambre ») mais ils ont leur importance, car la révolution, Antoine Gimenez la voulait, aussi, sentimentale et sexuelle, afin d’abattre « toutes les barrières que la morale hypocrite de la société avait dressées ». Il accorde également une large place à la parole et aux discussions : débats enflammés avec ses compagnons sur la société future, débarrassée de l’injustice sociale et du curé, « allié indéfectible du capitalisme » ; efforts de scolarisation pour ces travailleurs de la terre « essayant de bien tenir entre leurs doigts calleux le frêle bâtonnet de la plume que le poids de leur main, habituée à manipuler les lourds outils des champs, écrasait sur le papier ».

D’autres voix libertaires.

Il s’agit, enfin, d’un témoignage précieux sur les désillusions et le délitement qui surviennent lorsque les impératifs de la guerre aboutissent, non sans tensions dans le camp républicain, au ralentissement ou au reniement de l’effort révolutionnaire. Alors les volontaires internationaux doivent se plier à une discipline militaire plus forte. Surtout les rapports sociaux ne sont pas transformés autant qu’on avait pu l’espérer : « L’argent, cette peste, avait recommencé son œuvre. »
Aussi empli de vigueur et de mystère que terriblement imprécis sur les dates et les lieux, ce document avait tout pour fasciner. Mais de cette séduction, un groupe de chercheurs a su faire un travail tout à la fois militant, éditorial et historien. Il en résulte un appareil de notes absolument colossal qui, presque à la manière de Feu pâle, de Nabokov (Gallimard, 1965), accompagne dans un second volume (de plus de 700 pages) le témoignage, l’éclaire et le complète, le contredit parfois.
Et comme si cela ne suffisait pas, sur les traces d’Antoine Gimenez, les « Giménologues » (c’est ainsi qu’ils se nomment, prolongeant par ce pseudonymat le jeu de masques du personnage qu’ils suivent) ont publié un second livre, ¡A Zaragoza o al charco !, issu de la même enquête et donnant à lire d’autres témoignages et documents, apportant ainsi de nouvelles touches à ce tableau labyrinthique. Carnets, récits, photos, cartes et biographies : en menant un travail aussi vivant qu’opiniâtre auprès des acteurs et de leurs descendants, dans les dépôts d’archives et la presse d’époque, ce collectif d’auteurs nous donne les moyens de reconstruire et de comprendre un passé révolu, et, peut-être davantage, l’intensité et l’altérité de ses idéaux. L’un des protagonistes des Fils de la nuit les résume ainsi : « Une vie collective possible, sans dieu ni maître, donc avec les hommes tels qu’ils sont. »

André Loez

Les Fils de la nuit, dans Le Canard enchaîné

mercredi 22 juin 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Les Fils de la nuit dans Le Canard enchaîné du 22 juin 2016.

Un anar qui narre

Dans Les Fils de la nuit (Libertalia), l’ancien franc-tireur libertaire Antoine Gimenez raconte sa guerre d’Espagne : la vie, la mort, l’anarchie, l’espoir, les femmes. Épastrouillant.

Pourquoi ce livre fascine-t-il autant ? Parce qu’il est terriblement vivant. Parce que l’auteur a un ton qui n’appartient qu’à lui, vif, très concret, mais comme détaché. Il faut dire qu’il n’a raconté ses souvenirs qu’en 1974-1976, soit près de quarante ans après les faits. De son vrai nom Bruno Salvadori, il n’est, selon ses dires, qu’un jeune Italien révolté, « qui vit en marge de la société et du Code pénal », quand il s’engage en 1936 dans la Colonne Durruti sur le front d’Aragon. Il y intègre un groupe de volontaires internationaux, bien avant la création des brigades internationales.
Des scènes les plus fortes de ses trois années dans une unité de francs-tireurs, il livre un récit précis, vif et sans fioritures, sans frime et sans tabous. S’il s’agit avant tout d’un livre de guerre, avec coups de main, patrouilles, missions de reconnaissance, actes héroïques, horreurs, c’est d’une guerre bien particulière qu’il est question. Une guerre menée par des anars qui veulent non seulement tenir bon face à l’offensive des troupes franquistes, mais bâtir un monde nouveau, ici et maintenant.
Dans les villages, on s’organise en collectivités paysannes et ouvrières. Les femmes aident et soutiennent les combattants. Lesquels parlent politique, citant Kropotkine, Reclus, Pietro Gori. Et ce ne sont pas des mots et des idées en l’air, mais des idéaux concrets qu’ils essaient de faire vivre. On ne rigole pas avec les principes : « Durruti était intransigeant. Il avait fait fusiller le responsable d’une centurie, Carrillo, militant de la FAI, parce qu’il avait gardé des bijoux qu’il avait offerts à sa compagne », bijoux saisis chez une personnalité de Barcelone, qu’il aurait dû remettre au syndicat.
Des amitiés naissent, et des amours, intenses et sans lendemain, car la mort fauche chaque jour à grandes brassées. Corps qui tombent, corps qui exultent… L’Italien Gimenez est un grand amoureux : Madeleine, Mimosa, Augusta, la Nina… Il raconte le libre jeu du désir, les enflammements : « Nos bouches s’unirent, elle me chevaucha. Son corps était chaud et sentait la lavande. » Il évoque des scènes qui le hantent encore, et nous hanteront. Ainsi Maria, nue sur le seuil des adieux après une nuit d’étreintes, qui a ces fières paroles : « Regarde, je ne sais si je suis belle, mais tu l’as dit et je veux le croire. Nous ne nous verrons peut-être plus. Souviens-toi de moi telle que je suis, moi je ne t’oublierai jamais. »
Deux camps : « Hommes en face d’autres hommes, les uns défendant des principes, des idées, des croyances vieilles de plus de deux mille ans… les autres se battant pour que l’ignorance, l’exploitation de l’homme par l’homme, les privilèges de classe disparaissent, pour que la Justice, la Liberté, l’Égalité, l’Amour règnent enfin sur l’humanité entière. » En Espagne, le camp des idéalistes a fini par perdre, on le sait. Gimenez, après la terrible retirada de 1939, s’installa à Marseille, où il finit ses jours, en 1982, peu après avoir rédigé ce précieux témoignage.
Lequel possède de telles vertus, débroussaille à ce point les cerveaux, éclaire si bien ce qui fut l’une des plus hautes expériences libertaires jamais menées, qu’il a connu un drôle de destin. De doux dingues anarchistes s’en sont embéguinés au point de se proclamer « giménologues ». Se lançant dans une enquête sans fin sur ces Mémoires, ils ont accumulé mille analyses historiques, notices biographiques, documents de toutes sortes. Résultat : accompagnant le livre de Gimenez, un volume de notes qui compte près de 1 000 pages, dans lesquelles on peut se promener à loisir des heures durant. De quoi détromper ceux pour qui le mot « anar » rime avec « flemmard »…

Jean-Luc Porquet

Grèves et joie pure, dans Le Canard enchaîné

mercredi 22 juin 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Chronique parue dans Le Canard enchaîné du 22 juin 2016.

« Enfin, on respire ! » Ainsi s’ouvre ce recueil de quatre articles, publiés entre juin et octobre 1936 par une certaine Simone Weil après la victoire du Front populaire.
Jeune philosophe en rupture de ban, cette dernière s’y déclare enthousiasmée par les grèves et occupations d’usine. Son constat ? « Indépendamment des revendications, cette grève est en elle-même une joie. Une joie pure. » Elle qui a choisi de délaisser les honneurs académiques pour travailler à la chaîne auprès des ouvriers est bien placée pour en parler : « Il s’agit, après avoir tout encaissé en silence pendant des années, d’oser enfin se redresser. » Elle se doute que tout cela n’aura qu’un temps, pressentant les lendemains qui déchantent. Reste pourtant cet espoir immense, éminemment touchant, qui habite ce court recueil opportunément réédité. Et si, pour une fois, demande-t-elle, cette étincelle n’était pas qu’un « sursaut de dignité » ?

E. B.

Jean-Pierre Levaray invité d’Un Livre un jour sur France 3

samedi 11 juin 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —
Jean-Pierre Levaray, Je vous écris de l’usine - Un livre un jour, France 3, 3 juin 2016

Jean-Pierre Levaray était l’invité de l’émission Un Livre un jour du 3 juin 2016 sur France 3 : www.france3.fr/emissions/un-livre-un-jour.