Le blog des éditions Libertalia

Véronique Decker invitée des Maternelles sur France 5

vendredi 29 avril 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —
Véronique Decker invitée de l’émission Les Maternelles sur France 5 pour son livre Trop classe !

Véronique Decker était l’invitée de l’émission Les Maternelles du 28 avril 2016 sur France 5 : www.france5.fr/emissions/les-maternelles

Véronique Decker dans l’émission Des Mots de minuit

vendredi 8 avril 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —
Véronique Decker, auteure de Trop Classe !, invitée de Philippe Lefait

Véronique Decker était l’invitée de l’émission Des mots de minuit du 7 avril 2016 (numéro 533) sur France télévision : culturebox.francetvinfo.fr/des-mots-de-minuit

Trop classe ! dans Libération

mardi 22 mars 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Paru dans Libération, 20 mars 2016.

« Trop classe ! », trente ans d’école militante

En ce moment, son principal souci s’appelle Gyunaydan. Un bonhomme de 10 ans obligé de prendre chaque matin un bus, deux RER et un tramway pour venir à l’école. « Ça coûte 27,60 euros en tickets chaque jour, pour lui et sa mère qui l’accompagne. Je pioche dans l’argent qu’une fondation m’a donné. Mais je ne vais pas en avoir suffisamment jusqu’à la fin de l’année », soupire Véronique Decker. Elle est directrice d’une école primaire à Bobigny (Seine-Saint-Denis) depuis dix ans, au milieu d’un chantier de rénovation urbaine, entre les pelleteuses et les barres HLM en phase de démolition.
Elle y accueille plusieurs enfants roms comme Gyunaydan ou Slavi, dont Libération suit le parcours depuis plus d’un an. Après l’évacuation du camp des Coquetiers en octobre 2014, situé près de l’école, ils ont continué à s’accrocher à ce seul lien avec la société française. «  Je n’ai pas choisi d’avoir des enfants roms dans mon école. Cela s’est trouvé comme ça. […] J’aurais fait de même si des enfants du Zimbabwe étaient venus vivre à Bobigny dans les bidonvilles », écrit Véronique Decker dans Trop classe ! un petit bouquin tout juste publié sous la forme de courts chapitres piochés dans trente ans de carrière.
Véronique Decker, 58 ans, est militante, syndiquée depuis toujours, adepte de la pédagogie de Freinet. Elle écrit comme elle parle, avec aplomb, sans circonvolution, et un brin piquante. Son livre décrit l’école publique dans les « territoires » oubliés, égratigne les politiques publiques, ironise sur l’état des bâtiments…
Intitulé « Partir », le dernier chapitre se réfère à sa demande de mutation. Elle veut terminer sa carrière au vert, en Corrèze. « J’ai fini le livre comme ça, sûre d’obtenir ma mutation après mes trente et un ans d’expérience. » En fait, non. Sa demande a été refusée.

Marie Piquemal

Trop classe ! dans L’Humanité

mardi 22 mars 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Paru dans L’Humanité, mercredi 16 mars 2016.

« Au chevet des enfants comme les médecins face à leurs malades »

Dans Trop classe !, un livre-chronique, Véronique Decker, directrice d’une école d’un quartier populaire à Bobigny, pose un regard tendre, parfois au vitriol et même désespéré, sur l’école en Seine-Saint-Denis, meurtrie par la dégradation de la situation sociale des familles.

« Je m’appelle Véronique Decker. Depuis plus de trente ans, je suis institutrice. Et depuis quinze ans, directrice d’une école élémentaire à Bobigny, l’école Marie-Curie. À part la localisation aux pieds de tours et au cœur des problèmes, notre école présente l’intérêt d’être une école Freinet… » Voilà. Le cadre est posé. Et c’est un petit Zébulon qui ouvre le récit. Trois décennies plus tôt, la toute jeune maîtresse remplaçante intime l’ordre au garçonnet de tenir son crayon correctement. Il peine à tracer la date du jour sur son cahier d’écolier. L’enfant lève la tête et lui montre une main atrophiée. « J’ai le cœur serré. La respiration coupée. Mon cerveau cherche une ressource en urgence avant que je sois submergée par la honte. Toute la classe me regarde, se souvient-elle. Je me suis excusée mais j’ai surtout appris à ne pas perdre mon autorité sur la classe en étant sincère. Que s’excuser auprès d’un élève est un gage de relation honnête. »
Cette même sincérité, son honnêteté impriment aujourd’hui ses confidences. Son désir de partir, de quitter son école de banlieue, désormais plus fort que l’énergie qui durant des années l’a amenée à remuer des montagnes pour ses élèves. L’anxiété qui grandit à quelques jours de la réponse à sa demande de mutation. « Dans mon livre, j’ai voulu dire que les reculs sociaux que nous connaissons dans ces quartiers sont très violents. Nous sommes là, au chevet des enfants comme les personnels hospitaliers face aux malades. Cette violence, personne n’en parle. » Elle décrit le froid, la faim, le manque d’attention subis par certains enfants. Ceux qui dorment dans la rue. « Ce n’est pas l’ascenseur social qui est en panne mais le plancher qui est percé. Nous rencontrons des personnes qui ont traversé le plancher du rez-de-chaussée. Cette traversée est extrêmement difficile à accompagner », se désole-t-elle.

« Travailler avec les enfants permet de garder une fraîcheur »
Le feu ronronne dans le poêle à bois de la salle à manger de sa maison de Bobigny. Il réchauffe l’atmosphère et visiblement l’envie d’en découdre de l’enseignante comme au début de sa carrière. « Durant trois ans à l’école normale nous avions hurlé car on ne nous apprenait pas ce dont nous avions besoin. Nous nous lancions dans des projets collectifs, nous militions dans les mouvements pédagogiques. Nous nous disputions beaucoup. Nous étions formés, pas comme la génération Sarkozy jetée sans parachute directement dans les classes. » Mais surtout, souligne-t-elle, « entrer dans le métier était synonyme de promotion sociale. C’est fini. Une porte s’est refermée ». Elle pense au sort de ses jeunes collègues recrutés cinq années après le bac pour un salaire à peine supérieur au Smic. Elle les imagine vieux enseignants au milieu d’une horde de gamins de maternelle alors que l’heure de la retraite ne cesse de s’éloigner. « À 70 ans, pas un instit ne peut rhabiller un dortoir (entendez : les trente enfants qui viennent d’y faire leur sieste). À quatre pattes, tu ne te déplies plus », s’exclame-t-elle après un calcul rapide et désolant de l’âge de départ à la retraite probable des nouveaux arrivés.
Véronique Decker aime cela. Jouer avec les images pour expliquer qu’« enseigner est un combat partout et porte en tout lieu ses moments “champagne” ». Elle aime également désobéir. Elle l’a écrit à la fin de son livre. Elle a adoré l’idée lancée sur les réseaux sociaux par un professeur du sud de la France qui plutôt qu’une grève a suggéré de désobéir à la réforme de la prise en charge des élèves en difficulté. Elle ne s’est pas gênée non plus pour tenir tête à l’Éducation nationale lorsqu’il s’est agi de boycotter la base informatique des élèves, « le logiciel de traçabilité de la viande enfantine ». Elle aime les pas de côté. Son école sans note. Où les élèves ne sont pas en concurrence mais collaborent et participent à l’organisation de la vie de leur classe, de leur établissement. Où ils goûtent des expériences d’autogestion. « Ces gamins n’auront pas de royaume, ils ne doivent pas s’habituer à avoir des serviteurs. Lorsqu’ils quittent l’école, ils sont plus aguerris, plus réfléchis, plus militants. Et s’adressent aux adultes sans animosité ni déférence », explique fièrement la directrice d’école.
Véronique Decker ne croit pas aux réformes imposées – actualité brûlante du côté des collèges. « L’échec est certain si les gens ne sont pas propriétaires de leurs projets mais ils doivent disposer de temps pour réfléchir à leurs pratiques. » Le temps, elle en accorde également aux enfants. « Il faut aller chercher leur envie d’apprendre », défend-elle en reprenant à son compte la règle d’un grand pédagogue, Janusz Korczak. « Si l’on veut s’élever à la hauteur d’un enfant, il faut se mettre sur la pointe des pieds et avancer doucement », disait le pédiatre juif polonais déporté et gazé par les nazis avec les enfants du ghetto de Varsovie dont il s’occupait. « Travailler avec les enfants permet de garder une fraîcheur. De rester près de la terre. Ils m’aident à penser », dit-elle, comme un tendre aveu oubliant un peu la colère qui aujourd’hui la pousse à partir. « Enseigner est politique puisqu’il s’agit d’élever la génération à venir. À nous de savoir si nous voulons emmener la tête de classe à HEC ou tout le monde vers le maximum de progrès social. »
À travers ses chroniques, Véronique Decker pousse la porte de ses classes, de ses écoles à Montreuil, à Bobigny, toujours en Seine-Saint-Denis, où elle enseigne depuis trente ans. Elle ouvre son cœur au fil de ses rencontres avec des enfants de plus en plus cabossés par la dureté de la vie. Elle s’indigne sur mille sujets : le racisme, l’individualisme, l’intransigeance des religions. Les reculs sociaux qui minent la vie des familles, celle des enfants, le métier d’enseignant. Et nourrissent son envie de partir.
Sylvie Ducatteau

Sylvie Ducatteau

Je vous écris de l’usine, dans Alternative libertaire

mardi 22 mars 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Paru dans Alternative libertaire, mars 2016.

Depuis son livre Putain d’usine, en 2002, Jean-Pierre Levaray a rejoint la valeureuse cohorte des écrivains prolétariens, dans laquelle l’ont jadis précédé de nobles plumes comme Marguerite Audoux, Georges Navel, Henri Poulaille ou, plus récemment, Mehdi Charef (Le Thé au harem d’Archi Ahmed, en 1985), Maxime Vivas (Paris-Brune, 1997) ou encore Hubert Truxler, alias Marcel Durand (Grain de sable sous le capot, 1990).
C’est justement Hubert Truxler, ancien ouvrier de Peugeot-Sochaux, qui a préfacé le dernier ouvrage de Levaray, Je vous écris de l’usine, compilation de ses chroniques parues chaque mois, de 2005 à 2015, dans le journal CQFD. C’était, confie Truxler, le premier papier qu’il lisait en ouvrant le journal, parce que « pour écrire sur l’usine, il faut la vivre de l’intérieur, la renifler avec ses tripes ».
Ouvrier dans une usine d’engrais au Grand-Quevilly (Seine-Maritime), syndicaliste CGT, militant à la Fédération anarchiste, Levaray est prolixe – près d’une vingtaine de livres ou de collaborations à son actif –, d’une écriture souple, sans pathos ni fioritures. Les mille et une anecdotes qu’il rapporte sont généralement suffisamment fortes, en elles-mêmes, pour marquer les esprits. Il raconte les rares bons moments, avec les copains ; les collègues parfois combattifs, souvent blasés ; le chef pompier teigneux, genre sous-off 1912 ; la secrétaire pimpante qui échappe à un plan social puis qui, esseulée, ses collègues parties, le regrette amèrement ; le vieux militant communiste mais « pas stalinien pratiquant », qui meurt asphyxié d’avoir, toute sa vie, respiré des poussières nocives.
Toute la faune de l’usine est là, sa vie rythmée par les aléas d’un site industriel classé Seveso 2 qui vieillit, se déglingue, dont on redoute la fermeture mais qui, finalement, ne ferme pas. En revanche, la sous-traitance s’y multiplie. « Du coup, explique l’auteur, suivant la boîte qui te paie, tu as une couleur différente. Il n’y a quasiment plus de bleus de couleur bleue […]. Nous travaillons désormais dans une usine multicolore, mais ça n’a rien d’antiraciste, c’est juste que les bleus sont orange, gris, noirs, rouges, verts, j’en passe et des meilleurs. Différenciés, pour nous diviser. »
Pendant quelques années, l’auteur a accepté une corvée : représenter la CGT au conseil d’administration de l’entreprise. Les réunions qu’il endure au siège, à la Défense, apportent elles aussi leur lot d’anecdotes, pathétiques ou drolatiques. Le directeur général de l’usine, un maniaque au look de gestapiste, déverse un jour sa bile contre la CGT et les « pratiques gauchistes » des ouvriers de la boîte. Comme Levaray reste impassible, n’affichant qu’un sourire narquois, l’énergumène accroche illico un autre souffre-douleur : « Vous ne me servez à rien, crache-t-il au malheureux gugusse de la CFDT, pétrifié par cette attaque inattendue. Non, je n’ai plus besoin de vous. Vous n’avez même pas empêché que la grève ait lieu. […] A quoi servez-vous ? » L’auteur aurait pu ricaner. Il ne le fait pas, au contraire. Il souffre de cette humiliation publique du syndicat jaune par son maître. Ce n’est pas là la moindre expression de son humanisme.

Guillaume Davranche