Le blog des éditions Libertalia

Anne Crignon invitée de Libre pensée sur France Culture

mardi 12 décembre 2023 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Anne crignon était l’invité de l’émission Libre pensée du 10 décembre 2023 sur France Culture consacrée à la lutte des Penn Sardin.

« Journaliste et originaire de Bretagne, Anne Crignon s’est prise de passion pour l’épique lutte des sardinières de Douarnenez qu’elle fait revivre dans son dernier ouvrage paru aux éditions Libertalia.
À Douarnenez (Finistère), durant l’hiver 1924, éclate la grève des Penn sardin, ces femmes qui travaillent nuit et jour à mettre le poisson en boîte dans des conditions d’exploitation inhumaines.
Anne Crignon, dans son ouvrage, fait revivre cette lutte exemplaire trop méconnue de nos jours.
Son talent d’écrivain rend le récit remarquablement vivant. Est-ce parce que l’autrice est d’origine bretonne et que cette histoire lui est depuis toujours familière… ? Toujours est-il que son écriture est charnelle, elle donne un visage à toutes ses femmes, elle nous fait ressentir intimement leur courage, leur détermination, leur dignité conquise dans la lutte. Elle sait leur donner la parole avec justesse en parsemant son récit des mots des ouvrières elles-mêmes.
C’est à la lumière du passé que nous avançons dans les ténèbres de l’avenir. Merci donc à Anne Crignon de nous rappeler, en ces temps difficiles, qu’une grève peut être victorieuse et que l’émancipation de la classe ouvrière et des femmes sont liées et toujours d’actualité. »

Écouter sur le site de Radio France.

Alain Gresh et Hélène Aldeguer présentent Un chant d’amour à la librairie Libertalia

mercredi 6 décembre 2023 :: Permalien

Le Vendredi 1er décembre 2023, Alain Gresh et Hélène Aldeguer présentaient leur ouvrage Un chant d’amour. Israël-Palestine, une histoire française à la librairie Libertalia de Montreuil.
Captation et réalisation : David Even.

Alain Gresh présente Un chant d’amour sur TV5Monde

jeudi 30 novembre 2023 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Alain Gresh était l’invité du Journal international du 28 novembre 2023 sur TV5Monde. Il y présentait Un chant d’amour. Israël-Palestine, une histoire française coécrit avec Hélène Aldeguer.

Un chant d’amour sur OrientXXI

jeudi 30 novembre 2023 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié sur OrientXXI, le 28 octobre 2023.

De de Gaulle à Macron,
l’affligeante dérive de la politique française au Proche-Orient

L’attaque du Hamas, le 7 octobre, en bordure de Gaza, a fait une victime dont il n’est jamais question : l’Histoire. Soudain, la longue tragédie du peuple palestinien n’a plus d’origine ni de généalogie. Le conflit israélo-palestinien serait né le 7 octobre, et c’est le Hamas qui l’aurait inventé. La seule idée qu’il y ait eu un « avant » entraîne immédiatement des cris indignés. Qui se risque à évoquer cette longue, trop longue histoire, est complice du Hamas, voire antisémite. C’est peu dire que dans ce contexte (encore un gros mot !), ce Chant d’amour (on expliquera plus loin le pourquoi de ce titre) publié par Alain Gresh et Hélène Aldeguer est un acte politique majeur pour la vérité et la justice.

Dans le bureau du général de Gaulle

Cet ouvrage, paru une première fois en 2017, et présenté dans une version actualisée et augmentée, est un grand livre d’histoire. Il y en eut beaucoup sur le sujet, écrits parfois par Alain Gresh lui-même, mais celui-ci est original par sa forme. C’est un récit graphique illustré par Hélène Aldeguer qui ouvre cette triste saga à des publics très larges sous-informés, et souvent désinformés. Le genre permet de scénographier et de montrer ce qu’on ne voit pas dans les ouvrages habituels par une reconstitution méticuleuse qui n’ajoute ni ne retranche pas une virgule à la réalité. Ainsi, on est dans le bureau de l’Élysée, en mai 1967, quand De Gaulle demande au ministre israélien des Affaires étrangères, Abba Eban, que son pays ne prenne pas l’initiative d’attaquer l’Égypte. On s’invite à la prophétique conférence de presse de novembre 1967, dont on n’a retenu à tort que les mots polémiques « les Juifs (…) peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur », quand l’essentiel était dans cette autre phrase : « Un État d’Israël guerrier et résolu à s’agrandir ».
On assiste comme si on y était, en 1976, aux premiers contacts officieux entre Issam Sartaoui, l’émissaire de Yasser Arafat, et le général israélien Mattiyahu Peled, dans un appartement parisien. On entend le Palestinien dire à son interlocuteur « je suis un terroriste, (mes) mains sont celles d’un médecin mais elles ont aussi tué des Juifs ». Et le général israélien lui répondre « j’ai fait quatre guerre contre des armées arabes et contre les Palestiniens ». Deux guerriers devenus gens de paix. Quand la volonté existe… On est, bien sûr, aux premières loges quand François Mitterrand reçoit Arafat avec les égards d’un chef d’État, le 2 mai 1989. L’histoire défile comme un film mêlant les épisodes diplomatiques aux grands mouvements de l’opinion.

Le fait colonial de Maxime Rodinson

Car c’est aussi le récit détaillé des passions que déchaîne ce conflit dans notre société. La rue pro-israélienne portée à incandescence au moment de la guerre de juin 1967 par une propagande qui ne recule devant aucun mensonge, jusqu’à obtenir de France Soir, le grand quotidien de l’époque, qu’il titre « Les Égyptiens attaquent Israël », alors que c’est l’inverse. On voit bientôt apparaître des intellectuels médiatiques très efficaces dans le discours pro-israélien. Bernard-Henri Lévy, déjà ! On voit naître aussi les mouvements de solidarité avec les Palestiniens quand les fedayins rejoignent « dans l’imaginaire militant (…) la figure du guérillero latino-américain ou du combattant vietnamien ». On croise Jean Genet, Jean-Luc Godard, et bien sûr, Jean-Paul Sartre qui va jusqu’à justifier l’attentat contre des athlètes israéliens, aux Jeux olympiques de Munich, en 1972, par des mots qu’on ne peut plus entendre aujourd’hui : « Les Palestiniens n’ont pas d’autre choix. Faute d’armes, ils ont recours au terrorisme. »

Le mot « terrorisme » ne faisait pas peur au philosophe. La violence de l’argument non plus. C’est qu’en ce temps-là, quelles que soient les fautes politiques et morales des combattants de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), on n’oubliait jamais le « contexte ». Un contexte défini une fois pour toutes par l’orientaliste Maxime Rodinson dans un fameux numéro de la revue Les Temps modernes : « Israël, fait colonial ? ». On le voit, imaginé par le trait d’Hélène Aldeguer, forger son concept devant un Jean-Paul Sartre sceptique. En parlant de « fait colonial », Rodinson donnait à tous ceux qui veulent regarder le conflit en face, aujourd’hui encore, aujourd’hui plus que jamais, une grille de lecture inoxydable.
En vérité, Alain Gresh et Hélène Aldeguer remontent beaucoup plus loin dans le temps, à la déclaration Balfour de 1917, par laquelle la couronne britannique promettait aux Juifs un foyer national sur la terre de Palestine. Ils restituent aussi la complexité du débat de 1947 aux Nations unies qui aboutira au partage et à la création d’Israël. Un épisode resté célèbre sous sa forme la plus approximative : les Arabes ont refusé le partage. On nous rappelle ici ce qu’était le « partage », et on nous remet en mémoire que l’affaire s’est soldée par une proclamation unilatérale d’Israël que l’ONU n’autorisait pas. On fait revivre surtout la tragédie palestinienne d’un exode massif forcé, et du massacre de villages palestiniens. Le Hamas n’a pas inventé la barbarie.
On mesure surtout les reculs de la France dans un dossier où elle fut longtemps très influente. Charles de Gaulle d’abord, Georges Pompidou ensuite, Valéry Giscard d’Estaing, même, qui dépêcha son ministre des Affaires étrangères à Beyrouth pour y rencontrer Arafat, et qui ouvrit une représentation officielle de l’OLP à Paris, ont fait entendre une voix singulière. François Mitterrand, à sa manière, assura la continuité. On le voit et on l’entend devant le parlement israélien, en mars 1982, évoquer, certes en termes prudents, les droits des Palestiniens, « qui peuvent, le moment venu, signifier un État ».On revoit ici le charnier de Sabra et Chatila, quand, en septembre de la même année, des miliciens chrétiens libanais massacrèrent entre 1 000 et 3 000 Palestiniens sous le regard complice de l’état-major israélien. Avoir de la mémoire n’est pas inutile pour remettre un peu de raison quand la passion, par ailleurs bien compréhensible, nous submerge. Dans cette longue histoire de feu et de sang, les assassins n’ont pas toujours été islamistes.
La mémoire permet aussi de se rappeler ce que furent vraiment les accords d’Oslo, si déséquilibrés, et tellement illusoires. Rien ne les a torpillés plus que la colonisation. Toujours le « fait colonial » qui ruine encore ces derniers temps les chances de créer un État palestinien. L’histoire peut aussi rallumer l’espoir. Après tout, elle n’a pas toujours été ce qu’elle est aujourd’hui. Les Palestiniens ont été populaires dans notre opinion, en 1987, au moment de la première Intifada, et alors qu’Arafat menait une campagne diplomatique de grande envergure. Mais c’est lui, Arafat, qui avait fait le pari du compromis et de la paix, que les Israéliens ont tué symboliquement en 2000, pour lui préférer un autre adversaire : le Hamas. La cause palestinienne s’en est trouvée abîmée. L’islamisation du conflit, aidée par les attentats du 11 septembre 2001, est devenue la grande imposture du discours occidental.

Quand Hollande pousse la chansonnette

Et la France dans tout ça ? Elle a perdu son âme gaullienne. Peut-on donner une date à ce « tournant silencieux », comme l’appelle Gresh ? Quand survient ce réalignement de Paris sur Washington et sur la droite israélienne, jusqu’à ne plus être utile en rien ? Gresh a redécouvert une déclaration de Nicolas Sarkozy qui peut servir de repère. En septembre 2006, en voyage aux États-Unis, celui qui n’était encore que ministre de l’Intérieur, affirme devant la communauté juive, et en présence de George W. Bush : « Je veux dire combien je me sens proche d’Israël. Israël est la victime. Il doit tout faire pour éviter de passer pour l’agresseur. » Dix mois plus tard, Sarkozy est à l’Élysée. La France officielle prend définitivement le parti d’Israël. Les attentats de 2015 à Paris, qui n’avaient pourtant rien à voir avec le Hamas, entretiendront la mauvaise fable d’une guerre de religion. Et ce n’est pas le successeur de Sarkozy, le socialiste François Hollande, qui reviendra en arrière.
En visite à Jérusalem, en novembre 2013, il ne pousse pas la chansonnette pour célébrer son hôte, Benyamin Nétanyahou, mais il se dit prêt tout de même à « trouver un chant d’amour pour Israël et ses dirigeants ». L’épisode est si édifiant que Gresh et Aldeguer ont fait de ce « chant d’amour » le titre de leur livre. Ironie mordante. Car ce n’était pas un moment d’ivresse. Hollande renouait avec la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) coloniale de la IVe République. Celle de la guerre d’Algérie et de l’expédition de Suez de 1956. On connaît la suite. La France d’Emmanuel Macron, dans le sillage d’Israël, joue de tous les amalgames pour mêler les Palestiniens au Djihad global dans lequel ils ne sont absolument pas impliqués. Pas même le Hamas. Les auteurs citent enfin un rapport d’Amnesty International du 1er février 2022 : « La population palestinienne est traitée comme un groupe racial inférieur et elle est systématiquement privée de ses droits. » La France officielle soutient sans vergogne l’extrême droite raciste au pouvoir en Israël. Tout le livre, superbement pédagogique, de Gresh et Aldeguer nous invite à pratiquer une résistance politique et morale : le conflit résulte toujours du fait colonial.

Denis Sieffert

Mutineries dans Brasero

mardi 28 novembre 2023 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Brasero nº3, novembre 2023.

À la fin du XVIIIe siècle, l’équipage d’un vaisseau de 55 mètres embarquant 74 canons sur deux ponts – le type de navire de guerre le plus courant – comptait 750 hommes. La hiérarchie était organisée en quatre catégories : une douzaine d’officiers, une centaine de marins qualifiés (quartiers-maîtres, pilotes, charpentiers...) et de « surnuméraires » (soignants, cuisiniers, valets des officiers...) formant la « maistrance » intermédiaire entre le commandement et l’équipage, une garnison de 120 soldats chargés de maintenir l’ordre et, enfin, les 580 gabiers, timoniers, matelots et mousses. La vie sur le navire reflétait la société de classes portée à son paroxysme : dans le château arrière, le capitaine – « seul maître à bord après Dieu » – et ses officiers vivaient dans le confort, voire le luxe ; dans les ponts, les prolétaires de la mer passaient des mois sans mettre pied à terre, entassés dans des conditions d’hygiène épouvantables, exposés aux maladies et aux accidents, mal nourris, mal payés, enrôlés le plus souvent contre leur gré et menacés de supplices atroces à la moindre incartade.
Le renversement de la noblesse par la Révolution française suscita une vague de mutineries dans la flotte de la nouvelle République puis, par contagion, dans les autres marines européennes, surtout la britannique, où l’oppression était la plus violente. Avec des revendications identiques : renvoi des officiers tortionnaires, fin des châtiments corporels, salaires décents, amélioration de la nourriture, droit de descendre à terre aux escales… Le pouvoir jacobin supprima les châtiments les plus cruels et renvoya les officiers aristocrates mais, après sa chute, la marine française, durablement désorganisée, subit une série de défaites cuisantes jusqu’à son effondrement, à Trafalgar. La Royal Navy, au contraire, rejeta d’abord les doléances et les pétitions des marins, les poussant à des actions de plus en plus radicales : grève en armes, prise de contrôle du vaisseau pour fuir dans un port neutre et, même, soulèvement de deux flottes (1797), dont l’une hissa le drapeau rouge. Mais en jouant tantôt l’apaisement, tantôt la répression, en rappelant les mutins à leur devoir patriotique, l’amirauté britannique parvint à les diviser, à rétablir l’ordre sur les vaisseaux et à conserver son hégémonie maritime pour un siècle.
C’est une page méconnue de l’histoire des luttes révolutionnaires que relate Niklas Frykman dans cet ouvrage très documenté. Outre la description des conditions de vie des hommes du bord, on y trouve le récit détaillé des principales mutineries et les stratégies des équipages pour faire aboutir leurs revendications. Les questions qui se posèrent à eux ne nous sont pas étrangères. Comment appliquer les principes démocratiques sans mettre en danger la flotte, la défense de la patrie – ou de la République – et la vie des marins, sur des navires dont le maniement, surtout au combat, nécessitait une stricte discipline ? Peut-on retourner les canons contre ses frères d’armes ? L’histoire académique ignore à peu près cette vague révolutionnaire. En la restituant avec rigueur et talent, Niklas Frykman rend enfin hommage aux damnés de la mer.

François Roux