Le blog des éditions Libertalia

Ma guerre d’Espagne à moi, sur BSC News

lundi 7 septembre 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Ma guerre d’Espagne à moi sur BSC News, été 2015.

« Nous sommes encore dans la tranchée d’évacuation quand éclate la fusillade. Pas besoin de donner des ordres. Tous les hommes font demi-tour, ils courent, je leur crie de baisser la tête. Des fusées éclairantes ajoutent des étoiles à la nuit. Les premiers obus de mortier se mettent à aboyer/…/ Puis lorsque L’Internationale inonde les cœurs des milliers de fidèles qui, dans ces catacombes creusées autour de la ville, implorent des bombes pour le salut de Madrid, les voix montent pareilles au roulement du tonnerre ».
Après la mort de son mari sur le front de la guerre d’Espagne, en août 1936, Mika Etchebéhère prend un fusil et participe à tous les combats, jusqu’à devenir capitaine d’une compagnie du Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM). Elle raconte les moments majeurs de son long et fertile cheminement, dans ce livre agrémenté d’un DVD documentaire (en espagnol, sous-titres français).

Marc Emile Baronheid

Trop jeunes pour mourir, dans Réfractions

lundi 7 septembre 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Trop jeunes pour mourir dans Réfractions, numéro 34.

Fruit de huit années de recherches à travers les rapports policiers, la presse, les mémoires de militants ou l’historiographie, cet ouvrage étudie le mouvement ouvrier et révolutionnaire français de 1909 à 1914. Une chronique fouillée, vivante et bien faite, ni la syndicalisation féminine ni l’antisémitisme ne sont oubliés.
« Les faits parlent d’eux-mêmes », annonce l’auteur. Pas un livre à thèse donc. Mais une histoire qui dit pourtant les prémices d’une subordination au pouvoir politique d’un syndicalisme qui, avant de s’abandonner à l’Union sacrée, se recentre face à la montée en guerre, au parlementarisme socialiste et à la structuration anarchiste. L’évolution de Gustave Hervé, le fondateur en 1906 de La Guerre sociale qui constitue pour l’anarchisme « une caisse de résonance d’une puissance sans pareille » est à cet égard caricaturale.
À partir de 1911, Hervé prône le militarisme révolutionnaire puis le lien parti-syndicat et le réformisme patriotique. Unis en 1910 dans une grande campagne abstentionniste, libertaires et hervéistes se divisent. Les premiers rejetant le Parti révolutionnaire forment la Fédération révolutionnaire communiste puis la Fédération communiste anarchiste (FCA) qui répudie l’individualisme et l’illégalisme. L’élan syndicaliste révolutionnaire s’épuise. La FCA préfigure en quelque sorte « la pensée anarcho-syndicaliste de l’entre-deux-guerres » et veut impulser un élan libertaire à la CGT car « les socialistes eux n’ont pas renoncé à domestiquer le mouvement ouvrier. ». Certains anarchistes sont attachés à l’unité ouvrière, d’autres font prévaloir leurs idées. Attaques contre le modérantisme, le fonctionnarisme, la « réduction pragmatique » de l’action directe au corporatisme : la CGT en crise doit retrouver son idéal.
En 1910, elle s’oppose aux socialistes qui soutiennent une loi sur les retraites par capitalisation. En 1912, des leaders confédéraux écrivent une lettre ouverte à Jaurès : « Un parti comme le vôtre n’a sa raison d’être que s’il gravite autour de l’État ; un mouvement comme le nôtre ne se justifie que s’il agit au sein même du prolétariat, dressé contre l’État. » Mais à l’été 1913, la CGT entame une rectification de tir et se démarque des anarchistes. Les élections de 1914 marquent une poussée du PS. Le bellicisme provoque un rapprochement de la CGT avec les socialistes aux dépens des libertaires et un brouillage de l’antimilitarisme de l’organisation. Celui-ci a pourtant été extrêmement actif, du Nouveau Manuel du soldat (1902) aux multiples actions antimilitaristes. Grâce notamment au Sou du soldat, les déserteurs et insoumis sont 80 000 en 1911. Sous la pression des modérés, la CGT adopte en 1908 une position alambiquée. Un spontanéisme tactique qui sera déterminant. En cas de guerre, la confédération risquant la décapitation n’appellera pas à la grève générale révolutionnaire : la responsabilité en incombera aux travailleurs eux-mêmes.
La FCA vivement réprimée déploie une intense campagne préconisant le sabotage de la mobilisation et l’insurrection. Les tentatives de la CGT pour agir avec un syndicalisme allemand soumis à la social-démocratie (SPD) posent aussi de façon cuisante la question des rapports du mouvement ouvrier au politique. La confédération allemande conditionne toute action à une entente avec le PS et le SPD. La CGT oscille entre conciliation avec le parlementarisme (1911), autonomie (1912) et refus de participer à un congrès international syndicaliste révolutionnaire (1913).
Le primat du politique sur le social, c’est surtout un mouvement ouvrier qui évolue dans une atmosphère patriotique « saturée d’agressivité guerrière » alimentée par la grande presse, la pression des nationalistes et une accentuation du militarisme inscrite dans le quotidien même : parades militaires, extension du service de deux à trois ans. Contre cette dernière mesure, les casernes se rebellent en mai 1913. La dissolution de la CGT jugée responsable est évoquée. La répression massive sévit dans 88 villes. Le carnet B tenu par l’État recense plus de 15 000 militants antimilitaristes. L’armée prépare deux camps de concentration à leur intention. La CGT choisit alors la prudence réformiste.
À l’approche de la guerre, la logique étatique neutralise une CGT intoxiquée et intimidée qui pense via le PS que l’État œuvre à la paix et croit à une vaste rafle basée sur le carnet B. La position sur la grève générale est rappelée puis n’est plus évoquée par les leaders. Des manifestations pacifistes importantes se déroulent mais les socialistes dissuadent la CGT d’accélérer le mouvement. Jaurès assassiné, les dirigeants craignent un massacre d’antimilitaristes, se soumettent totalement au PS et ne tentent rien. Le gouvernement reconnaissant n’applique pas le carnet B. La FCA est dispersée mais nombre d’anarchistes prendront part à des actions pacifistes y compris des individualistes.

Alexis Bonnet

Comment peut-on être anarchiste, sur Divergences

lundi 7 septembre 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Comment peut-on être anarchiste sur Divergences,12 juillet 2015.

« Comment se manifester en tant qu’intellectuel anarchiste, dans une époque où les démocraties se vantent d’avoir écarté le spectre révolutionnaire, tout en usant du vieil épouvantail “terroriste” pour justifier un arsenal répressif sans précédent, quitte à faire de l’“indigné” une figure à la mode… ?
En militant, en écrivant »…

Ainsi commence Comment peut-on être anarchiste ?…
Par une introduction dans laquelle Claude Guillon replace son nouvel ouvrage dans le contexte d’une série d’articles, de tracts, et autres de ses écrits publiés durant les quinze dernières années. Ceux-ci étant regroupés par thèmes qui lui sont chers, des thèmes et des paroles souvent polémiques, voire tabous, si l’on s’en tient aux règles instituées, dont il n’est pas simple de se défaire. L’intérêt est sans doute, et avant tout, de porter les divergences à la surface, histoire de bousculer la pensée courante et d’en discuter de manière libre et critique.
Dès l’introduction, quelques remarques viennent à l’esprit, notamment sur l’emploi du terme « démocraties » qui, j’imagine, sont les pouvoirs politiques, médiatiques, universitaires ayant pignon sur rue ? Par ailleurs, la mode à la sauce « indigné » a bien sûr été adoptée et encouragée pour la bonne conscience suscitée et, en général, l’absence d’engagement actif. Cependant, si cette « indignation » a participé d’une prise de conscience pour certains et certaines… Pourquoi pas ? Ce n’est pas le cas de la grand-messe du 11 janvier dernier, totalement instrumentalisée, autour du slogan « Je suis Charlie » et sur laquelle Guillon revient à la fin de son ouvrage. Enfin, autre remarque, le terme anarchiste recouvre une myriade de tendances, de courants, d’actions, d’attitudes, donc ne fallait-il pas dès l’introduction proposer une base d’analyse synthétique, actuelle et personnelle du terme ?
On le voit, Comment peut-on être anarchiste ? de Claude Guillon soulève d’emblée des questionnements. Par exemple, dans sa critique de la publication des textes de Noam Chomsky, et le culte qu’il a généré chez quelques-un-es, il n’apparaît pas — au-delà de certains reproches qui ne sont pas souvent imputables à son auteur —, de propositions ou de préconisations de méthodes révolutionnaires pour changer la société. Finalement, on pourrait considérer que la critique des textes de Chomsky s’adresse plus à l’utilisation de son travail et à la médiatisation qui en est faite, qu’à l’analyse radicale de la politique étrangère états-unienne à partir des faits et de ses répercussions. Concernant l’État comme « dernier rempart contre la dictature privée », on peut aussi se demander si le cas des États-Unis est comparable à celui de l’Europe ?
Quant au « corps critique » dont Claude Guillon tente d’examiner sans faux-semblants nombre de ses aspects, qu’il s’agisse entre autres de « l’hypermarché du porno publicitaire », du viol, du consentement (?), de la soi-disant légitimité des besoins masculins qui justifierait la prostitution et les violences, de la question du genre, les réflexions ne peuvent que provoquer des réactions. Des réactions d’autant plus vives que la sexualité, l’intimité, le privé étant politiques et sensibles, il faut alors les articuler avec les principes anarchistes basés sur la liberté, l’égalité et le respect de l’autre. De plus, ce corps « usé par le travail, génétiquement modifié par les polluants industriels, formaté par la publicité, la mode et la pornographie, le corps humain a-t-il un avenir ? On en douterait, à considérer ceux — artistes d’avant-garde, scientifiques et militaires — qui le déclarent “obsolète” et travaillent à son “dépassement” technologique. »
Comment peut-on être anarchiste ? Pourquoi est-on anarchiste ? 
Qui est anarchiste ? Sur quoi se baser pour devenir anarchiste : 
sur le refus de l’autorité ? 
Sur le rejet de la domination ?
À réfléchir et à discuter…

Christiane Passevant

Éditocrates sous perfusion, dans Silence n° 437

lundi 7 septembre 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Éditocrates sous perfusion dans Silence n° 437, septembre 2015

Depuis l’attentat du lercredi 7 janvier 2015, les survivant(e)s de Charlie Hebdo croulent sous les afflux d’argent. En trois mois et demi, le trésorier de l’hebdomadaire a engrangé quelque trente-deux millions d’euros. Rarissimes les personnes qui, une fois l’émotion estompée, nt critiqué le pernicieux système « d’aides » aux journaux et magazines favorisant ceux déjà engraissés par la publicité. Les plus virulents contempteurs de l’Etat redistributeur jouissent à tire-larigot des libéralités publiques, à l’insu du contribuable, lequel « sponsorise la propagande » distillée par les « forgerons de l’opinion ». Sur la liste des deux cents titres bénéficiaires en 2013 de la manne ne figurent ni Siné Mensuel, ni Fakir, niSilence, ni aucune revue militante indépendante…

RH

Trop jeunes pour mourir, sur le blog Le Monde comme il va

lundi 7 septembre 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Trop jeunes pour mourir , sur le blog Le Monde comme il va

Certains livres d’histoire se lisent comme des romans, vous happent, littéralement. C’est le cas avec Trop jeunes pour mourir. Ouvriers et révolutionnaires face à la guerre, de Guillaume Davranche. Dans ce livre imposant et dense de plus de 500 pages, ce militant libertaire passionné d’histoire nous entraîne avec un beau talent d’écriture dans la France de la Belle Époque agonisante, de l’année 1909 à l’éclatement du premier conflit mondial, à l’été 1914 ; période courte mais fondamentale pour comprendre comment des militants et des organisations ont pu jeter par-dessus bord l’internationalisme prolétarien qu’ils professaient depuis des années et se rallier, queue basse ou verbe haut, à l’Union sacrée.
Courte, fondamentale et somme toute assez peu travaillée par les historiens qui ont préféré porter leur regard sur la période allant de la création de la CGT en 1895 à l’adoption de la célèbre Charte d’Amiens de 1906, bref sur les « temps héroïques » du syndicat, plutôt que sur ces quelques années marquées du stigmate du reflux de la contestation sociale radicale de masse.
La CGT de 1909 n’est en effet plus celle de 1906. Une nouvelle génération de militants a pris pied dans l’organisation. Si elle partage nombre de valeurs avec la génération très anarcho d’avant, elle se veut plus pragmatique et davantage à l’écoute de la masse ouvrière que de ses troupes les plus radicalisées. C’est que la Révolution, on l’invoque tout le temps et on ne la voit pas venir ! Pour la nouvelle équipe dirigeante, la classe ouvrière est fatiguée des grèves dures à répétition, de la répression patronale et étatique ; il faut donc adapter le travail syndical à ce nouveau contexte. Évidemment, ce processus déplaît aux anarchistes, toujours très présents dans l’organisation syndicale et qui entendent lui conserver son caractère profondément anticapitaliste et antiétatiste. Des anarchistes qui tentent de s’organiser nationalement, de se fédérer au sein d’une Fédération communiste anarchiste, mais doivent pour cela ferrailler dur avec le courant individualiste qui n’a que mépris pour la besogne syndicale et l’idée même d’organisation ; un courant qui, après avoir salué la propagande par le fait (autrement dit l’attentat anarchiste censé sortir le peuple de sa torpeur) défend maintenant l’illégalisme, c’est-à-dire les braqueurs de la bande à Bonnot.
Autre acteur central de la planète révolutionnaire de l’époque : le vibrionnant Gustave Hervé qui, bien que membre du Parti socialiste, n’en appelle pas moins à la guerre sociale et se rêve en chef de file des socialistes insurrectionnalistes.
CGT, anarchistes de toutes tendances, socialistes insurrectionnalistes : telles sont les trois forces qui se croisent, s’agitent, s’invectivent, fraternisent, se déchirent durant ces cinq années. Car les raisons de s’unir (et de polémiquer !) ne manquent pas.
Comment agir contre la guerre qui vient et le militarisme (grève générale, appel à désertion…) ? Quelle attitude adoptée face à ce Parti socialiste à l’identité si mouvante ? La CGT est-elle en train de se bureaucratiser et d’abandonner lentement mais sûrement son héritage anarchiste ? Telles sont les questions fondamentales que se posent ces trois forces et auxquelles bien vite elles apportent des réponses bien différentes, tout cela dans un contexte délétère de règlements de comptes et de répression policière. Ainsi de Gustave Hervé, le « sans-patrie » qui rêvait de planter le drapeau tricolore dans le fumier : le voici qui se transforme lentement mais sûrement en patriote fervent !
Les pages les plus intéressantes sont à mon sens celles que l’auteur consacre à l’évolution de la CGT sous la houlette de Léon Jouhaux et d’Alphonse Merrheim, notamment à la question du fonctionnarisme syndical et donc de la rotation des tâches. Le débat n’oppose pas seulement le courant « réformiste » au courant « révolutionnaire », mais aussi, pour employer une image, Paris à la province. Alors que dans la capitale, les secteurs ouvriers radicalisés et politisés font de cette question une arme contre le modérantisme confédéral, en province, les militants locaux refusent d’en faire une question de principe. Etre permanent n’est pour eux pas une sinécure ; pour preuve, les candidats ne sont guère légion pour occuper ses postes de responsabilité !
Et puis il y a la guerre. Une guerre qui divise la CGT. Que faire contre elle ? Appeler à la grève générale, faire en somme ce que l’on a toujours promis de faire, au risque de la répression ? Ou bien lier son sort au Parti socialiste avec l’espoir que celui-ci sera en capacité de préserver la paix ? La direction confédérale, chahutée, malmenée, ne sait plus à quel saint se vouer. Ou plutôt si : à Saint-Jaurès, à la capacité du tribun castrais à réussir l’impossible, autrement dit à convaincre la social-démocratie allemande à peser de tout son poids pour maintenir la paix. Jaurès assassiné, l’internationalisme cède la place au chauvinisme. L’heure est à l’Union sacrée et à la défense de la civilisation contre la barbarie ; celle des autres, of course…
Remercions Guillaume Davranche d’avoir fait revivre avec autant de talent ce moment-clé de l’histoire sociale française.

Patsy